2012, année sanglante pour la Syrie

L’année 2012 a été meurtrière en Syrie. Depuis le début du soulèvement en mars 2011, plus de 45 000 personnes ont été tuées, dont 30 000 civils, selon les chiffres des organisations de l’opposition syrienne. Alors que l’émissaire international Lakhdar Brahimi se trouve à Damas depuis dimanche pour tenter de trouver un ultime compromis de sortie de crise, le conflit s’enlise et devient de plus en plus violent.

En Syrie, le nombre de morts ne cesse de croître : 45 000 morts depuis mars 2011, plus de 20 000 disparus. Près de deux millions de personnes se retrouvent déplacées à cause du conflit, dont 540 000 enregistrés auprès du Haut Commissariat aux réfugiés dans les pays voisins, sans compter les milliers d’autres qui refusent de s’enregistrer dans ces pays, ou jusqu’en Europe.

Pour Riad Kahwaji, président de l’Institut d’analyse militaire sur le Proche-Orient et les pays du Golfe, ces derniers mois ont aussi été marqués par la progression des groupes rebelles sur le terrain. « On a vu les rebelles gagner de plus en plus de territoires, et se renforcer en nombre et en armes. On a vu les forces du régime perdre de leur côté de larges pans de territoires et dans l’incapacité de maintenir leurs positions. »

Et les opérations des forces armées se sont durcies. « Elles ont accentué l’intensité des bombardements, ainsi que les actions punitives contre les civils. Le nombre de mort n’a cessé de croître. Le régime est incapable de contrer les rebelles, qui avancent lentement mais de façon régulière. Cette guerre de fait est en train de s’intensifier. »

Une guerre par procuration

Le conflit a gagné en intensité, notamment autour de Homs au sud, Hama au centre, Alep au nord-ouest, et autour de la capitale Damas. Pour David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’IFAS, l’Institut français d’analyse stratégique, plusieurs puissances régionales s’affrontent sur le terrain, dont l’Iran, fidèle allié de Damas. « L’Iran a un rôle important, car la Syrie constitue en termes de représentation une pièce centrale de ce qui serait un croissant chiite, qui partirait de l’Iran et qui irait jusqu’à la Méditerranée, avec le Hezbollah libanais. La Syrie de Bachar el-Assad constitue donc une pièce centrale, et il est de notoriété publique que Téhéran est partie prenante quasi directement dans le conflit, qui apparaît comme une guerre par procuration entre puissances régionales, notamment entre l’Iran d’un côté, et les pays du Golfe de l’autre. »

Pour Riad Kahwaji, cette guerre par procuration pourrait encore durer plusieurs semaines. « C’est maintenant une guerre d’usure, dans laquelle les groupes rebelles  vont continuer à grignoter quelques territoires chaque jour ici et là sur les troupes de l’armée régulière, et cela va continuer jusqu’à ce que le régime tombe. Mais quand cela arrivera ? Personne ne le sait. Jusqu’à ce que le régime démissionne, ou qu’il y ait une intervention militaire étrangère... Cela risque de durer encore des semaines. »

Lakhdar Brahimi retente une médiation

La présence en Syrie, depuis dimanche 23 décembre, de Lakhdar Brahimi, le médiateur de la Ligue Arabe et de l’ONU, peut-elle véritablement infléchir le cours du conflit ? C’est la troisième fois qu’il se rend en Syrie depuis sa prise de fonctions en septembre dernier, après que son prédécesseur Kofi Annan a lui-même jeté l’éponge.

Il semblerait que des tractations aient lieu notamment avec la Russie, d’ailleurs Lakhdar Brahimi est attendu à Moscou ce samedi. « Il semblerait qu’il soit chargé de transmettre un message à Bachar el-Assad sur la possibilité d’une issue de compromis qui pourrait consister en une mise à l’écart du président syrien pour éviter un chaos total tel qu’il se dessine actuellement », explique David Rigoulet-Roze. « L’ASL (Armée syrienne libre) et les groupes sur le terrain ont désavoué le principe de cette visite, et rien ne dit par ailleurs que Bachar el-Assad, qui est engagé dans une logique purement militaire, soit disposé à accepter ce qui peut lui être proposé. »

Sur les terrain, les armes continuent de parler

Les principaux groupes armés de l’opposition, l’Armée syrienne libre, des groupes jihadistes, ainsi que les Comités locaux de coordination (de la révolution syrienne) ont rejeté ce scénario de compromis qui pourrait maintenir Bachar el-Assad en place jusqu’en 2014, mais qui l’empêcherait de se représenter. Une sortie de crise qui relance le plan de Genève lancé fin juin à l’initiative de Kofi Annan, avec l’idée de la formation d’un gouvernement d’union nationale, dont doute également Riad Kahwaji. « Brahimi ne peut pas apporter la solution à lui tout seul au conflit entre les différentes forces en Syrie. Car la Syrie est devenue un problème régional et international : il y a plusieurs acteurs impliqués, comme l’Iran, la Russie, les Etats-Unis et des pays arabes. Donc, à moins qu’une solution ne vienne du Conseil de sécurité, cette guerre va se poursuivre, et Brahimi ne pourra rien faire. »

Les civils piégés

Pendant ce temps, des centaines de milliers de civils affrontent l’hiver en Syrie. Ils manquent de tout, comme l’explique Lama Fakih de Human Rights Watch, qui revient d’une mission au nord-est de la province de Lattaquié, dans les environs de Salma. « Les villageois dans cette région souffrent de coupures de gaz, de manque d’essence. Ils n’ont plus de systèmes de communication terrestres. Ils n’ont pas toujours accès aux boulangeries, aux magasins pour la farine ou le sucre, et il y a très peu d’acteurs humanitaires sur le terrain. »

L’ONG dénonce les attaques délibérées des forces du régime contre des files d’attentes devant des boulangeries, et notamment les attaques aériennes indiscriminées. « Nous sommes toujours inquiets du sort des centaines de personnes qui sont toujours détenues et soumises à la torture et aux traitements inhumains, ainsi que de celles qui continuent à être des cibles indiscriminées des bombardements aériens. Nous demandons à la communauté internationale de faire plus, afin d’obtenir plus d’aide humanitaire pour ceux qui sont pris au piège par le conflit en Syrie et pour les réfugiés. »

Les Nations Unies ont demandé ce mercredi 26 décembre une aide d’un milliard de dollars à la communauté internationale pour aider les réfugiés d’ici le mois de juin prochain. En six mois, leur nombre pourrait doubler pour atteindre un million de personnes.

Partager :