Longtemps enviés dans tout le monde arabe pour leurs « relations fraternelles exemplaires », le Liban et la Syrie sont aujourd'hui au bord de la rupture. Les contacts officiels sont réduits à leur plus simple expression, les présidents des deux pays ne se parlent plus depuis début août et les deux capitales se sont déclarées une guerre judiciaire.
La Syrie a ainsi émis lundi 10 décembre des mandats d'arrêt contre l'ancien Premier ministre libanais Saad Hariri et un député proche de lui, Okab Sakr, accusés d'envoyer des armes aux rebelles syriens. Une source de sécurité libanaise a précisé que ces mandats étaient parvenus mardi aux autorités libanaises. Le bureau d'Interpol à Beyrouth a en revanche affirmé n'avoir encore reçu aucune demande de la part de Damas.
La justice syrienne a aussi émis un mandat d'arrêt contre Louaï Mokdad, un porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL), accusé de complicité avec Okab Sakr. Cette mesure intervient après les révélations du quotidien libanais Al-Akhbar au sujet du rôle joué par ce dernier dans l'armement et le financement de l'opposition armée syrienne. Le journal, en collaboration avec la chaîne de télévision OTV, appartenant au parti du général Michel Aoun, avait diffusé des enregistrements de conversations téléphoniques entre le député Okab Sakr et des opposants syriens lui réclamant des armes, dont des lance-roquettes, et des munitions. Okab Sakr avait riposté, la semaine dernière, en accusant ses détracteurs de manipulation. Selon lui, les enregistrements ont été coupés et montés. Il a contre-attaqué en diffusant « les bandes originales », dans lesquelles on l'entend proposer « du lait et des couvertures chaudes » à l'opposition syrienne. Ses détracteurs lui ont renvoyé l'accusation, affirmant que sa voix avait été rajoutée pour le disculper.
Commentant les mandats d'arrêt syriens, l'ancien Premier ministre Saad Hariri a déclaré que le président Assad devrait être jugé au Liban pour son implication dans les assassinats politiques. « Assad va être jugé pour les crimes qu'il a commis contre son peuple, tôt ou tard. Et il va être jugé par la justice libanaise pour avoir envoyé des explosifs au Liban afin de provoquer des conflits interconfessionnels », a-t-il dit.
Selon Saad Hariri, les mandats d'arrêt émis par Damas devraient être renvoyés à l'expéditeur. « La prison attend Assad qui a tué les enfants de son pays », dit-il encore, selon le communiqué. Interrogé sur cette question, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a déclaré qu' « il s'agit d'une affaire interne syrienne ».
Des proches d'Assad convoqués
Lundi 10 décembre, le parquet militaire libanais avait décidé de convoquer à « titre de témoin » une conseillère du président Assad, Boutheina Chaabane, dans l'enquête sur l'ancien ministre libanais Michel Samaha. Ce dernier est accusé d'avoir préparé avec le patron de la sécurité syrienne, le général Ali Mamlouk, des attentats au Liban.
Mercredi, le juge militaire Riad Abou Ghida a convoqué les deux accusés syriens, le général Mamlouk et le colonel Adnane, à une audition judiciaire le 14 janvier 2013. Le magistrat a cependant retardé sa décision en ce qui concerne Boutheina Chaabane, bien que le procureur militaire ait recommandé sa convocation.
L'affaire Samaha avait empoisonné les relations entre les deux pays. Le chef de l'Etat libanais, qui s'entretenait au téléphone plusieurs fois par mois avec son homologue syrien plus d'un an après le début de la révolte, a rompu tout contact après l'arrestation de l'ancien ministre, le 9 août. Après cette arrestation, le président Michel Sleimane avait déclaré qu'il attendait un appel de Bachar al-Assad pour obtenir des explications sur cette affaire. Naturellement, ce coup de fil n'a jamais eu lieu. Et depuis, les relations se détériorent.