De notre correspondant à Jérusalem
D’où viennent les soupçons d’empoisonnement ?
La rumeur de l’empoisonnement est apparue dès le décès du président palestinien en 2004, même si le dossier médical n’évoque rien de tel. Ce sont les révélations d’al-Jazira en juillet dernier qui ont relancé les spéculations : la chaîne de télévision a obtenu auprès de la veuve de Yasser Arafat des effets personnels ayant appartenu au président palestinien. L'analyse a révélé un taux élevé de polonium, une substance très radioactive.
Suite à ces révélations, la veuve de Yasser Arafat a porté plainte en France (puisque c’est en région parisienne que le président palestinien est mort), plainte contre X, pour « assassinat ».
C’est dans le cadre de cette enquête française que des experts ont procédé aujourd’hui à des prélèvements sur la dépouille de Yasser Arafat.
Comment s'est déroulée l’exhumation ?
L’exhumation était annoncée depuis plusieurs semaines. L’Autorité palestinienne avait donné son accord et elle a demandé la présence d’experts suisses et russes aux côtés des expert et des magistrats français.
Yasser Arafat repose dans un mausolée situé en bordure de la Mouqataa, le palais présidentiel palestinien à Ramallah, le bâtiment avait été entouré de bâches bleues ces derniers jours pour masquer complètement la vue de ce qui se passe à l’intérieur.
Les travaux de préparation de l’exhumation ont durée plusieurs jours. Et tôt ce mardi matin, l’exhumation elle-même a eu lieu : la terre recouvrant la dépouille de Yasser Arafat a été dégagée, le corps n’a pas été déplacé et un médecin palestinien a pu collecter de minuscules échantillons sur la dépouille. Il a remis ces échantillons aux trois groupes d’experts présents et, rapidement, le corps a de nouveau été recouvert de terre.
Il faut maintenant déterminer si les échantillons sont exploitables et attendre trois mois environ pour connaître les résultats des tests.
La thèse de l’assassinat est-elle plausible ?
Israël nie catégoriquement toute implication dans la mort du chef historique palestinien. L’immense majorité des Palestiniens est convaincue que l’Etat hébreu a empoisonné Yasser Arafat.
Interrogés dans les rues de Ramallah, nombreux sont ceux qui rappellent qu’Israël a assassiné ou tenté d’assassiner un certain nombre de dirigeants palestiniens. Ce fut le cas du numéro deux de l’OLP, Abou Jihad, assassiné en Tunisie par un commando d’hommes armés en 1988. La signature israélienne n’a jamais fait de doute mais il se trouve que l’Etat hébreu a reconnu officiellement cet assassinat il y a quelques semaines seulement.
Autre exemple : en 1996, l’actuel chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, est piqué à l’aide d’une seringue en pleine rue à Amman, en Jordanie. Mais la tentative d’assassinat échoue, car les agents secrets israéliens sont capturés et le roi Hussein de Jordanie, furieux, exige qu’Israël fournisse l’antidote. L’Etat hébreu s’exécute et Khaled Mechaal est sauvé.
Les Palestiniens citent ces exemples comme autant d’indices. Ils rappellent aussi que dans les derniers mois de sa vie, Yasser Arafat était assiégé dans son palais présidentiel et que le Premier ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon, avait assez clairement menacé de se débarrasser de Yasser Arafat
Que représente Yasser Arafat pour les Palestiniens d'aujourd'hui ?
Il reste la figure centrale du mouvement national palestinien. L’homme de la lutte contre Israël, par la violence ou non, selon les époques.
C’est aussi l’homme revenu en Palestine dans les années 1990 à la faveur des accords d’Oslo, pour y devenir le premier président palestinien élu de l’histoire.
Et par-dessus tout, Yasser Arafat est un symbole d’unité pour les Palestiniens, puisque c’est après sa mort que les Palestiniens se sont déchirés, avec une fracture Hamas/Fatah qui est aussi une fracture géographique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, depuis maintenant cinq ans.