Syrie: la multiplicité des ramifications du clan Assad

Le clan Assad compte une centaine de personnes et de multiples ramifications, qui sont toutes issues d'un seul et même homme : le grand-père de l'actuel président syrien, Bachar el-Assad, c'est-à-dire Ali Souleiman el-Assad. Ce petit notable était originaire du village de Qardaha, à l'est de Lattaquié, dans le nord-ouest de la Syrie. Il faisait partie de l'une des minorités les plus pauvres et les moins considérées du pays, la communauté alaouite. Mais Ali Suleiman el-Assad rêvait des plus hautes sphères du pouvoir et s'est choisi un patronyme à la hauteur de ses ambitions : el-Assad, c'est-à-dire « Le lion ».

Pour mettre à bien sa stratégie d'ascension sociale, Ali Suleiman el-Assad a donc misé sur le pouvoir militaire, comme l'explique David Rigoulet-Roze, spécialiste du Moyen-Orient et chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique : « C'est la colonisation française qui a encouragé la communauté alaouite, qui était à l'origine assez pauvre et méprisée, à investir le corps de l'armée. À terme, cela a favorisé sa prise du pouvoir. »

En 1970, le fils d'Ali Souleiman el-Assad, Hafez el-Assad, s'empare du pouvoir après un coup d'Etat militaire et structure alors son régime autour d'un parti unique, le parti Baas. Après avoir investi le pouvoir militaire, cet habillage politique baasiste constitue la deuxième étape de sa stratégie pour asseoir sa présence au pouvoir, souligne David Rigoulet-Roze : « Le fait de renforcer le nationalisme arabe dans la culture baasiste était une manière de montrer que, finalement, elle ne se réduisait pas à une culture purement alaouite. »

Un noyau dur alaouite et des soutiens sunnites

Enfin, troisième et dernière étape, dans la droite lignée de la précédente, sceller des alliances avec les autres communautés et notamment avec la communauté sunnite, majoritaire en Syrie.

« Bachar el-Assad s’est efforcé depuis son arrivée au pouvoir d’intégrer la bourgeoisie sunnite dans son cénacle. Il a pris comme postulat que les Alaouites sont obligés de le soutenir s’ils veulent conserver les privilèges acquis depuis des décennies, voire éviter la vengeance du régime sunnite, qui lui succéderait. Il est donc plus important d’intégrer les élites économiques au pouvoir, en partageant avec elles les bénéfices de la libéralisation économique », précise le géographe Fabrice Balanche, spécialiste de la région et auteur de L'atlas du Proche-Orient arabe, dans un article intitulé Les alaouites et la crise politique.

Ce rapprochement avec la communauté sunnite passe notamment par des alliances matrimoniales, dont le meilleur exemple est le président Bachar el-Assad lui-même. Sa femme, Asma, appartient à une riche famille sunnite de Homs, dans le centre du pays. Son frère, Maher, est lui aussi marié à une sunnite de la région de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie.

Des rôles clairement définis au sein du clan

Au sein du clan Assad, la distinction est très claire entre les différents volets du pouvoir : la partie économique du côté de la famille maternelle de Bachar el-Assad, avec le milliardaire Rami Makhlouf par exemple, et la partie sécuritaire et militaire, monopolisée par la garde rapprochée de Bachar el-Assad et de son frère, Maher.

La mort d'Assef Chawkat, le beau-frère du président syrien, est donc un coup dur pour le régime, car il faisait partie de ce volet sécuritaire et était à la tête de la cellule de crise chargée de mater le mouvement de contestation en Syrie. Enfin, en pointillés, se dessine une troisième ramification, moins évidente. Il s'agit de Rifaat el-Assad, le frère d'Hafez el-Assad, exilé à Londres.

Des soutiens forts dans le pays et à l'étranger

En novembre 2011, Rifaat el-Assad demandait à son neveu de quitter le pouvoir, dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, tout en demandant à la communauté internationale de « trouver un refuge à Bachar et à sa famille ».

Une manière de se positionner « comme une courroie de transmission éventuelle », analyse David Rigoulet-Roze. « C'est intéressant car Rifaat el-Assad a épousé quatre femmes dont l'une d'entre elles est la sœur de l'une des femmes du roi d'Arabie Saoudite. Aussi étonnant que cela puisse paraître, du fait de son obédience alaouite, Rifaat el-Assad a des liens assez étroits avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite », poursuit le chercheur.

Cela illustre la multiplicité des ramifications du clan Assad et l'imbrication des intérêts extrêmement complexe en Syrie, à l'intérieur même du pays mais aussi au-delà des frontières.

Le troisième veto de la Russie et de la Chine jeudi 15 juillet au Conseil de sécurité des Nations unies laisse supposer que derrière le dossier syrien, affleurent des tractations plus larges, commente Salam Kawakibi, chercheur à l'Arab Reform Initiative : « Entre Russes et Américains, il y a plusieurs dossiers qui passent de la Géorgie au bouclier anti-missiles à la question énergétique avec l'Europe et l'Asie. Et bien entendu, les Russes veulent revenir sur la scène internationale en tant que puissance reconnue, ce qui avait été marginalisé par la communauté internationale après l'effondrement du bloc soviétique. Je crois donc que les Syriens font maintenant les frais d'une nouvelle guerre froide qui n'a plus lieu entre deux grandes puissances mais entre plusieurs puissances internationales et régionales ».

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