Les deux journalistes français Edith Bouvier, grièvement blessée à la jambe, et William Daniels sont tous les deux en sécurité au Liban, ce jeudi soir 1er mars 2012, a annoncé le président français Nicolas Sarkozy. On les savait à Homs, ensemble ou séparément, dans le quartier de Baba Amro assiégé depuis 27 jours, régulièrement pilonné par les forces gouvernementales et finalement pris d’assaut et fouillé maison par maison ces dernières 24 heures. C’est cet enfer que le journaliste espagnol Javier Espinosa était quand même parvenu à fuir mercredi 29 février 2012 pour rejoindre le Liban.
Mardi matin, c’est le Britannique Paul Conroy qui avait été exfiltré de Syrie dans le cadre d’une opération d’évacuation qui avait échoué concernant les trois autres journalistes et notamment Edith Bouvier.
L’ALS avait formé un véritable commando d’exfiltration des journalistes
C’est un mouvement de campagne d’opinion basé aux Etats-Unis, le réseau Avaaz, qui a revendiqué ces opérations. Mais même si elle s’en défend, l'Armée libre syrienne, l’ALS, avait formé un véritable commando d’exfiltration des quatre journalistes. Ils avaient quitté Homs dans la nuit de dimanche à lundi dernier, avec une escorte d’une cinquantaine de Syriens et des brancardiers pour transporter Edith Bouvier. Une opération à très hauts risques sous les bombes qui ont finalement coupé le convoi en deux, faisant au moins treize morts parmi les opposants syriens.
Mardi matin, Paul Conroy et son escorte ont été les seuls à franchir la frontière libanaise 26 heures plus tard, dans la région de Wadi Khaled. Les autres auraient été contraints de rebrousser chemin. Certaines sources affirment au contraire qu’Edith Bouvier a été mise à l’abri quelque part tout près de ce chemin de contrebandiers côté syrien.
Les rebelles méfiants à l’égard du Croissant-Rouge arabe syrien
Pendant ce temps-là, la Croix-Rouge essayait, en vain, de négocier leur évacuation de Homs. Mais là aussi, les versions sont très diverses. Ce qui est sûr, c’est que les rebelles de Baba Amro ne faisaient pas du tout confiance au Croissant-Rouge arabe syrien, le relais sur place de la Croix-Rouge internationale, qui négociait depuis la semaine dernière avec les deux parties, c’est-à-dire avec les autorités et avec l’opposition, pour obtenir l’arrêt des tirs, le temps d’évacuer les journalistes.
Par deux fois, des ambulances du CICR s’étaient postées aux abords et avaient attendu les journalistes, sans suite. Et finalement les opposants syriens ont donc court-circuité la Croix-Rouge et pris le risque d’une évacuation aux allures de commando militaire.
L’officialisation d’un soutien international à la lutte armée
Demain, vendredi 2 mars 2012, sera en Syrie un jour de prières et de manifestations que l’opposition veut distinguer comme le « Vendredi pour armer la résistance de l’Armée syrienne libre ». Un tournant qui marque l’internationalisation et la militarisation du conflit syrien. La semaine dernière, le Qatar avait été le premier à annoncer qu’il soutiendrait le combat contre le régime de l’Armée libre syrienne, l’ALS, composée de déserteurs mais aussi de combattants de toutes obédiences et qui tient désormais des quartiers et des villages.
L’Arabie Saoudite est sur la même ligne et, ce jeudi 1er mars 2012, c’est le Parlement du Koweït qui a pris la même décision appelant son gouvernement à « armer l’opposition syrienne et donc à rompre tous liens diplomatiques » avec le régime Bachar el-Assad.
Enfin ce jeudi, à Paris, c’est l’opposition civile réunie au sein du Conseil national syrien, le CNS, qui s’est engagé à organiser les éventuelles livraisons d’armes au service, dit-il, de la révolution syrienne.
Le CNS considéré comme la principale formation de l’opposition syrienne
Le Conseil national syrien est un mouvement composite très largement issu de la diaspora et dans lequel l’opposition islamiste est très présente, avec les Frères musulmans notamment, mais qui regroupe aussi un large spectre de formations laïques. Il est d’ailleurs pour le moment présidé par un universitaire basé en France, Buhran Ghalioun.
Jusqu’ici, le CNS n’était pas encore reconnu officiellement comme interlocuteur privilégié en Europe ou aux Etats-Unis, comme cela avait été le cas en Libye pour son presque homologue de l’opposition libyenne. Cependant, depuis ces dernières semaines, le Conseil national syrien s’est vu consacré par les Etats du Golfe qui se sont positionnés en faveur d’un renversement du régime de Bachar el-Assad.
Jusqu’à récemment, le CNS niait tout contact articulé avec l’Armée syrienne libre et ce n’était pas seulement en raison de sa volonté de poursuivre un mouvement de protestation pacifiste. Les relations entre le CNS et l’ASL paraissaient plutôt difficiles.
Le CNS annonce la création d’un bureau militaire
Aujourd’hui, Buhran Ghalioun annonce la création d’un bureau militaire qui devrait être installé au plus près du théâtre des opérations, en Turquie sans doute, comme l’état-major de l’armée rebelle. « Nous savons que certains pays veulent armer les révolutionnaires syriens », dit Buhran Ghalioun, en expliquant que le CNS entend vérifier que les financements et les distributions d’armes se feront en fonction des besoins. En clair, il s’agit de contrôler les livraisons d’armes et au passage les groupes actifs dans la résistance armée.