Egypte : le pouvoir en accusation après le drame de Port-Saïd

Vingt-quatre heures après le drame de Port-Saïd qui a fait 74 morts lors d’affrontements entre supporters du club local et ceux d’Al-Ahly, le pouvoir faisait l’objet de vives critiques, jeudi 2 février. Le ministre de l’Intérieur Mohammed Ibrahim été accusé de négligence lors d’une session extraordinaire du Parlement mais des heurts ont de nouveau eu lieu au Caire près de la place Tahrir.

Sport et politique font mauvais ménage, surtout lorsque certains cherchent à les instrumentaliser. Vingt-quatre heures après, l’impact des événements de Port-Saïd restait très fort dans les esprits car ils ont démontré que dans l'Egypte du Conseil suprême des forces armées, la sécurité des amateurs de foot n'était pas assurée. Le bain de sang de Port-Saïd en est la preuve. Il constitue surtout une bavure politique.

Emoi immense

Et pour l'effacer, la junte militaire du maréchal Tantaoui ne pourra pas se contenter de la mise à l'écart d'une poignée de responsables de la sécurité et de l'administration de la ville ou encore de limogeages à la tête de la Fédération égyptienne de football. L'émoi populaire est immense pour les martyrs du stade transformé en arène politique sanglante. Aucun parti politique ne peut l'ignorer. D'autant que dans les clubs, de nombreux supporters de football se sont fait les défenseurs ardents de la révolution.

Il s’agit surtout d’adolescents, ceux que l'on appelle en Egypte « les Ultras ». Ils bravent désormais le pouvoir militaire après avoir longtemps défié la police des stades. Et pour eux, ce qui s'est passé à Port-Saïd ne relève pas du sport mais d'un plan pour faire avorter la révolution. Une révolution égyptienne mise en danger par une « main invisible » chargée de répandre le chaos pour justifier le retour à l'Etat d'urgence, c'est aussi ce que dénoncent les Frères musulmans, la première force politique du nouveau Parlement égyptien.

Un ministre sur la sellette

Jeudi 2 février, au lendemain du drame de Port-Saïd, des heurts ont éclaté au Caire entre la police et des manifestants qui protestaient contre la mort des 74 victimes. Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes contre des groupes de manifestants qui lançaient des pierres et tentaient de s'approcher du ministère de l'Intérieur. Celui-ci essuie de vives critiques en raison de l'inertie des forces de sécurité face aux affrontements entre supporters, lors du match mercredi soir.

Selon le ministère de la Santé, 388 personnes ont été blessées dans ces incidents, la plupart asphyxiées par des gaz lacrymogènes. Des milliers de manifestants étaient rassemblés dans la soirée aux abords du ministère, près de la place Tahrir, dans le centre du Caire. « Ils savent protéger un ministère mais pas un stade ! », scandaient certains.

Des milliers de supporteurs du très populaire club cairote mais aussi des citoyens ordinaires avaient défilé un peu plus tôt pour accabler le Conseil suprême des forces armées (CSFA) et son chef, Hussein Tantaoui, au pouvoir depuis la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011 après une révolte populaire. « Ceci n'est pas un incident sportif, c'est un massacre militaire », scandait la foule.

 

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