Football : le Al-Ahly du Caire, un club mythique face à la violence

Soixante-treize morts et un millier de blessés. C'est le bilan provisoire du match qui a opposé le mercredi 1er février, dans le stade de Port-Saïd, les équipes égyptiennes du club Al-Masry SC et du célèbre  Al-Ahly du Caire, le club le plus titré d'Afrique qui vient de vivre une page sombre de son histoire.

« Il y a très peu de clubs dans le monde qui n'ont pas le droit de perdre un seul match, Al-Ahly en fait partie », déclarait il n'y a pas très longtemps Manuel José, l'entraîneur portugais de l'équipe depuis les années 2000. Cette affirmation du coach prouve à quel point le club cairote compte dans le paysage du football africain.

Al-Ahly, qui signifie en arabe « le National » est fondé en 1907 par des étudiants patriotes égyptiens en lutte contre le colonisateur anglais. A l’époque, ils sont très engagés dans le combat contre le colonialisme. Très vite, l’équipe s’impose comme l’emblème de la liberté, à l’instar de son voisin, le Zamalek Sporting Club qui représente la bourgeoisie. En 1925, Al-Ahly devient une équipe totalement égyptienne et la carte de membre est uniquement attribuée au détenteur d’un passeport national.

Un palmarès énorme

Al-Ahly remporte sa première coupe d'Égypte en 1923 et compte dans ses rangs Mokhtar El-Tetch, l’un des meilleurs joueurs égyptiens de tous les temps qui a donné son nom au stade. Une enceinte devenue trop petite et qui ne peut plus accueillir les supporters.

Le club du quartier d'El-Guezira, dont l'écusson est frappé d'un aigle censé représenter la force, l'audace et la détermination, est de loin le plus titré du pays et même du continent. Vainqueurs des sept derniers championnats d'Egypte, détenteurs du record de victoires en Ligue des champions d'Afrique (6), vainqueurs de quatre Coupes d'Afrique des vainqueurs de coupe, les « diables rouges », détiennent plusieurs records. En 2005, sous la houlette du Portugais Manuel José, Al-Ahly remporte le championnat sans jamais avoir été battu. Avec 24 victoires sur 26 matches, les joueurs récoltent 74 points sur 78 possibles, un  record. Le palmarès du club compte plus de 100 titres.

Des supporters très actifs durant la révolution

Club le plus populaire et de loin en Afrique, Al-Ahly compterait selon la Fédération internationale de football (Fifa) quelque 50 millions de supporters à travers le monde. Dans le pays, on appelle les fans les plus ardents, les «Ultras». Au début de l'année dernière, ils ont participé à la révolte qui a fait chuter le président Hosni Moubarak. Sur la place Tahrir, au milieu des protestataires, ils ont défié la police jour et nuit. Sans eux, la révolution n’aurait sans doute pas connu la même finalité.

Qui sont-ils ? Selon Yasser Thabet, journaliste spécialiste des sociétés arabes et moyen- orientales interrogé par le magazine Yards, les « Ultras » seraient le reflet de la jeunesse confrontée à un avenir incertain. Touchés par le chômage, ils rejettent la corruption des gouvernants et se sentent ignorés par le pouvoir comme l'explique l'un d'entre eux dans le mensuel sportif.  « Le virage, c'est une façon d'exister. C'est un monde parallèle qui nous permet d'exister. Il est impossible de dire ce qu'on veut dans la rue, donc on s'exprime dans les stades ».

Depuis très longtemps, les stades égyptiens sont devenus des tribunes où l'on exprime sa colère. Hier, cette colère a dégénéré dans des circonstances confuses faisant au moins 73 morts.

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