L’Agence internationale de l’énergie atomique et les Occidentaux soupçonnent toujours l’Iran de chercher à se doter, sous couvert d’activités civiles, d’une bombe nucléaire. Pour le décourager de continuer sur cette voie, l’Union européenne avait déjà gelé dans le passé les avoirs de 433 sociétés iraniennes et de 113 personnes. Elle a aussi décidé des restrictions d’exportation de nombreux produits sensibles ou encore de l’interdiction des investissements dans le secteur des hydrocarbures.
Cette fois, c’est différent. En résumant les nouvelles mesures le plus brièvement possible, on peut dire que l’Europe veut frapper directement au portefeuille pour éviter un potentiel conflit nucléaire. Les sanctions ont surtout pour objectif d’assécher les sources de financement du programme nucléaire militaire iranien. Il s’agit donc d’un objectif à long terme, qui ne concerne pas seulement la sécurité de l’Europe, mais aussi des autres régions, en particulier du Proche et Moyen-Orient.
Sévères et sans précédent
Les nouvelles sanctions sont sévères et ont une ampleur sans précédent. Tout nouveau contrat dans le secteur pétrolier est désormais interdit. Les contrats déjà en vigueur vont bénéficier d’une phase de transition : leur annulation n’interviendra que le 1er juillet prochain. D’autres pays producteurs, comme l’Arabie Saoudite, doivent prendre le relais de Téhéran pour maintenir l’approvisionnement en pétrole des pays européens qui dépendent de livraisons iraniennes. Il s’agit notamment de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne. Les Grecs, dont 30% de la consommation du brut dépend de livraisons iraniennes, ont bataillé jusqu’au dernier moment en faveur d’un report des nouvelles sanctions d’un an. Ils ont finalement accepté la solution de compromis, qui laisse quelques mois à ceux qui ont des contrats en cours pour trouver d’autres sources d’approvisionnement. Concession supplémentaire faite à Athènes : les ministres des Affaires étrangères doivent analyser la situation de nouveau en avril.
Quant aux sanctions qui touchent la Banque centrale iranienne, elles portent, entre autres, sur un gel de ses avoirs en Europe, sur l’interdiction de produire en Europe des pièces et des billets de banque pour le compte de l’Iran, ainsi que sur la vente de l’or ou d’autres métaux précieux et diamants. Peut-on cependant espérer que les sanctions européennes s’avèrent, cette fois, efficaces ? La banque et le budget de l’Etat iranien vont peut-être effectivement souffrir de mesures purement financières, mais, quant au pétrole, l’Europe est loin d’être le principal client de l’Iran, donc sa force de frappe dans le domaine semble limitée…
Sanctions et jeu politique
En effet, l’Europe n’achète que 20% de la production pétrolière iranienne. Téhéran réalise le plus gros de ses ventes vers l’Asie. Ses principaux clients s’appellent la Chine, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Même si une perte de 20% de ses revenus pétroliers en quelques mois risque de constituer un coup dur pour le budget de l’Iran, Téhéran va certainement essayer de compenser cette perte en se tournant vers d’autres marchés. C’est pourquoi les Européens et les Américains mènent depuis déjà un certain temps un jeu politique qui consiste à essayer de convaincre les pays asiatiques, notamment l’Inde, de réduire leurs importations d’hydrocarbures iraniens. Mais ce n’est qu’au cours de prochains mois que l’on pourra raisonnablement évaluer l’efficacité à la fois de la diplomatie européenne et de nouvelles sanctions elles-mêmes.
L’Iran s’efforce, bien entendu, de minimiser la portée de décisions prises à Bruxelles. Téhéran les présente comme de la « propagande » et comme « inapplicables ». Et surtout, il se veut menaçant. L’Iran évoque une inévitable hausse des prix du pétrole si ses exportations diminuaient, en réduisant ainsi l’offre sur le marché mondial. Cette hypothèse, du moins pour l’instant, ne se confirme pas. Certes, on a pu enregistrer une hausse des cours du brut, mais elle reste légère, car les marchés ont anticipé les sanctions européennes il y a déjà longtemps.
Téhéran menace, Moscou tempère, Israël jubile
Par ailleurs, des sources iraniennes suggèrent que Téhéran cesse ses exportations vers l’Europe de sa propre initiative, bien avant la date d’annulation des contrats en cours, le 1er juillet, et ceci « afin de faire augmenter le prix du pétrole et perturber les plans des Européens ». En revanche, l’Iran ne renouvelle pas pour l’instant ses menaces de fermer le détroit d’Ormuz, par lequel passe une grande partie de la production pétrolière de tous les pays du golfe Persique.
Quant aux autres pays, les principales réactions étaient faciles à prévoir. Par exemple, la Russie « dénonce les sanctions unilatérales » et appelle à la reprise des négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire. Toutefois, ces négociations restent au point mort depuis un an…
En revanche – et aussi sans surprise – Israël, directement menacé par une éventuelle frappe nucléaire iranienne, salue la décision européenne et s’en réjouit.