L’attentat le plus meurtrier s'est produit dans la province de Nassiriya, dans le sud du pays. Un kamikaze a fait exploser sa charge au passage de pèlerins chiites qui se rendaient à une célébration religieuse à Kerbalah. Il y a eu 45 morts et 68 blessés, selon un médecin et un responsable de la sécurité cités par l’AFP.
Plus tôt dans la journée, c'est la capitale Bagdad qui a été frappée. Là aussi, deux quartiers chiites étaient visés, celui de Kadhimiya et celui de Sadr City. Lors du premier attentat, une moto piégée a explosé alors que des ouvriers attendaient de partir au travail. La journée a donc été meurtrière avec au moins 68 morts et une centaine de blessés à travers le pays.
« Les groupes radicaux sont conscients que le retrait américain [le mois dernier, NDLR] crée un vide sécuritaire énorme. […] Ils veulent montrer leur existence, leur capacité de nuisance et qu’ils sont des acteurs avec lesquels il faut composer dans le processus de construction de l’Irak », analyse le chercheur Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditérranéen (Cermam).
Cette vague d’attaques survient quinze jours seulement après celle du 22 décembre qui avait fait entre 60 et 72 morts, selon les sources, à Bagdad. Les attentats avaient été revendiqués quelques jours plus tard par un groupe lié au réseau terroriste al-Qaïda.
Regain de tensions confessionnelles et crise politique
Le 2 janvier, c'est le ministre des Finances irakien Rafie al-Essaoui, un sunnite, qui échappait à un attentat à la bombe. Le ministre n’a pas été visé par hasard. Il est membre du bloc al-Iraqiya à majorité sunnite, qui représente la deuxième force politique au Parlement irakien et qui est en conflit ouvert avec le Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki. Ce dernier est accusé depuis plusieurs mois par le bloc al-Iraqiya de rassembler le pouvoir dans les seules mains des chiites, malgré la formation d'un gouvernement d'union nationale il y a un an. Il est même accusé de « dérive sectaire ».
Faits aggravants, à la mi-décembre, le Premier ministre a demandé au Parlement de voter une motion de défiance contre son vice-Premier ministre, Saleh al-Moutlaq. Et un mandat d'arrêt a été lancé contre le vice-président irakien, Tareq al-Hachemi, accusé de terrorisme. Tous deux font partie d'al-Iraqiya. Depuis, les membres de ce mouvement boycottent le Parlement et le gouvernement d'union nationale, provoquant une grave crise politique.
Il y a eu certes des discussions pour tenter de régler la situation. Mercredi 4 janvier 2012, en signe d'apaisement, le porte-parole de Nouri al-Maliki a annoncé que les ministres d'al-Iraqiya boycottant le gouvernement seraient considérés dorénavant comme « en congés », alors que le Premier ministre les considérait jusqu'ici comme démissionnaires. Mais cela ne règle pas tout.
« L’Irak doit adopter une solution choc »
Certains essaient d'ailleurs de profiter de la situation. L'imam chiite radical Moqtada Sadr, qui s'était allié à Nouri al-Maliki pour les dernières élections parlementaires, a appelé récemment à l'organisation d'élections anticipées. Un appel relayé par la suite dans les rangs d'al-Iraqiya.
« L’Irak doit adopter une solution choc, soit convoquer des élections législatives anticipées, soit une conférence de réconciliation […] pour régler cette guerre de chefs », confirme le chercheur Hasni Abidi, qui poursuit : « Les Kurdes peuvent jouer un rôle d’arbitre parce qu’ils ont une distance par rapport aux partis politiques. Paradoxalement les Américains, même s'ils se retirent aujourd'hui de l'Irak, gardent une capacité d’influence importante sur les différents acteurs irakiens ».
Yann Richard, professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle et spécialiste du chiisme, a une autre vision : « Les Américains ont prouvé qu’ils ne sont pas capables de faire quoi que soit. Ils ont créé des désordres auxquels ils ne peuvent remédier. […] Le seul levier qu’il leur reste, c’est de faire un compromis avec l’Iran, seul pays capable d’imposer un minimum d’influence apaisante en Irak ».
Quoi qu’il en soit, si la crise politique et le conflit entre blocs chiite et sunnite ne sont pas réglés rapidement, beaucoup craignent de voir ressurgir les pires heures de la guerre civile en Irak, en 2006-2007, lorsque les attentats faisaient une centaine de morts quasi quotidiennement.