En Libye, Moustapha Abdeljalil tente de calmer la colère des manifestants de Benghazi. Le président du Conseil national de transition (CNT) et le Premier ministre Abdel Rahim el-Keib ont rencontré lundi des membres de la société civile qui protestent depuis le 12 décembre contre les nouvelles autorités. Deux mois après la mort de Mouammar Kadhafi, les ex-révolutionnaires demandent des comptes au CNT. L'union sacrée contre le régime Kadhafi, c'est bel et bien terminé.
Il y a un peu plus de deux mois pourtant, c'est dans cette même ville de Benghazi, la « capitale de la révolution », que Moustapha Abdeljalil avait proclamé la libération totale du pays. Mais c'était avant la crise de confiance. Les manifestants de Benghazi se demandent aujourd'hui qui sont ceux qui les dirigent, ce qu'ils font, comment ils gèrent l'argent du pays...
Des revendications légitimes selon Abeir Imnina, politogue à l'université de la ville. Pour elle, « il faut changer le conseil local de Benghazi, il faut penser aux jeunes, aux femmes, il faut aussi plus de transparence car personne ne sait rien sur le CNT. Par exemple, j'ai appris qu'un autre prof de la fac, que je voyais presque tous les jours, était membre du CNT. Je n'étais pas au courant ! »
Pour les protestataires, le CNT vit donc dans un autre monde. Ils ont plusieurs mots d'ordre: « Non aux opportunistes », « Non à l'opacité », ou encore « Non à la corruption ». Et ces slogans, ils ne sont pas scandés qu'à Benghazi. A Tripoli aussi, la colère gronde.
Patience et confiance
Khaled Ghellali est membre de l'Etillaf, une association qui fédère une partie des ex-combattants de la capitale. Selon lui, les jeunes qui ont fait la révolution sont marginalisés aujourd'hui : « On leur dit merci pour la révolution, au revoir et à bientôt ! Ces jeunes veulent une récompense financière, et veulent aussi savoir où est passé l'argent. Aujourd'hui, quand on entend que des milliards et des milliards ont été rapatriés en Libye, et que personne n'a vu la couleur de cet argent, on se pose des questions. Ces jeunes nous disent: s'il faut faire une nouvelle révolution, elle aura lieu. »
Face à cette colère populaire, le CNT appelle à la patience et à la confiance. Othman Bensasi est membre du Conseil national de transition, représentant pour la ville de Zouara. Il explique que les fonds débloqués n'ont pas encore été remis aux banques libyennes. Mais selon lui, « les problèmes financiers seront réglés dans la première quinzaine de janvier ».
Il promet aussi plus de transparence: « Nous sommes en train de mettre en place des règles pour déterminer quelles sont les qualités des candidats aux postes à responsabilités. Cela va exclure pas mal de monde : ceux qui avaient des relations avec l'ancien régime, ceux accusés de corruption ».
Pour Othman Bensasi, certaines revendications des manifestants sont légitimes, mais d'autres sont orchestrées par « des groupes qui ont intérêt au désordre », pour prendre le pouvoir. Pour calmer le jeu, les autorités vont devoir agir rapidement, notamment pour le paiement de tous les salaires. Elles ont aussi promis un site internet détaillant le CV de tous les membres du CNT. Pour l'heure, il est toujours en construction.