Attentats meurtriers en Irak sur fond de crise politique

Une série d’attentats a frappé Bagdad, la capitale irakienne, jeudi 22 décembre, faisant 57 morts et 176 blessés, selon un bilan fourni à la mi-journée par le ministère de la Santé. Plusieurs quartiers ont été touchés en pleine heure d'affluence. Les attaques, apparemment coordonnées, n'ont pas été revendiquées.

« Ils n'ont pas visé des institutions ou des postes de sécurité mais plutôt des écoles, des travailleurs, l'agence anti-corruption », a affirmé à l'AFP le général Qassim Atta, porte-parole de la sécurité de Bagdad. Il a précisé qu'il était encore « trop tôt » pour savoir qui était derrière cette série d’attaques qui intervient en pleine crise politique et en pleine tension entre chiites et sunnites.

Le mandat d'arrêt lancé lundi contre le vice-président irakien, le sunnite Tareq al-Hachémi, a été le déclencheur de cette crise. Il est accusé d'avoir fomenté des attentats, ce qu'il nie. Le Premier ministre irakien, le chiite Nouri al-Maliki exige que le vice-président réfugié au Kurdistan irakien soit immédiatement remis aux autorités de Bagdad. Il menace aussi d'exclure du gouvernement tous les ministres issus du bloc al-Iraqiya, 2e force parlementaire soutenue par les sunnites, alors que ses membres ont décidé de boycotter le gouvernement et l’Assemblée.

« Réalité ou prétexte, les faits reprochés à Hachémi remontent à 2004-2005, explique Adel al-Kayar, professeur de sciences politiques à l’université de Bagdad, pourquoi les révéler maintenant ? s’interroge-t-il. En fait, Maliki a attendu le départ des Américains pour faire ce qu’il veut en Irak ».

Le gouvernement d’union nationale menacé d’implosion

Un sentiment partagé par Hasni Habidi, directeur du Cérmam, le Centre d’études et de recherches du monde arabe et méditerranéen. « Le gouvernement irakien est victime d’un problème d’ego entre M. Maliki qui se voit en l’homme de l’indépendance puisque les deniers soldats américains sont en train de quitter l’Irak, et l’autre force politique (al-Iraqiya) qui ne veut surtout pas lui faire ce cadeau. »

Depuis les élections législatives de mars 2010, les querelles entre Nouri al-Maliki et al-Iraqiya sont fréquentes. Alors que le bloc soutenu par les sunnites a remporté une majorité de sièges au Parlement, le parti Alliance de l’Etat de droit de Nouri al-Maliki a négocié avec d’autres mouvements chiites, notamment celui de l’imam radical Moqtada Sadr, pour prendre le pouvoir.

Nouri al-Maliki y parvient fin 2010 et est chargé de former un gouvernement d’union nationale avec les sunnites et les Kurdes. Mais les sunnites, qui détenaient le pouvoir sous Saddam Hussein avec le parti Baas, se sentent marginalisés. Ils reprochent aux chiites de monopoliser le pouvoir et d’être soutenus en sous-main par l'Iran, le grand voisin chiite.

Craintes de reprise de la guerre civile

Le gouvernement de Nouri al-Maliki est aussi accusé de mauvaise gestion. « Iyad Allawi, le chef d’al-Iraqiya, a écrit une lettre, explique le chercheur Hasni Habidi, demandant au Premier ministre de remettre de l’ordre dans le pays puisque la corruption a atteint des sommets, le népotisme aussi, sans compter la confessionnalisation du pays ».

Les tensions entre chiites et sunnites font craindre une reprise de la guerre civile. Le spectre des années 2006-2007, lorsque l’Irak avait connu un pic au niveau des attentats, ressurgit. Il risque d’y avoir « des assassinats ciblés, explique l’universitaire irakien Adel al-Kayar, surtout du côté des sunnites qui sont dépourvus de toute réponse ». Selon lui, « des milliers de personnes qui se sentaient menacées ont déjà fui le pays en novembre et en décembre ».

Les attentats de jeudi à Bagdad ont été condamnés unanimement dans le monde. Les Etats-Unis comme l’Union européenne ont appelé au dialogue pour régler la crise politique en Irak. Le président du Parlement irakien, le sunnite Oussama al-Noujaifi, a appelé à une réunion d'urgence des dirigeants des blocs politiques ce vendredi 23 décembre.

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