Nucléaire iranien : campagne des Occidentaux pour un cinquième train de sanctions

Dans la semaine, l’Agence internationale de l‘énergie atomique (AIEA) rend un rapport confidentiel crucial aux 35 membres de son conseil des gouverneurs. Les services de renseignement occidentaux ont fourni de nouveaux documents qui, selon Washington, viennent prouver que le programme militaire clandestin des Iraniens est plus ambitieux, mieux organisé et plus avancé qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Alors que des fuites orchestrées dans la presse font état d’une campagne militaire d’Israël en Iran, les enjeux sont considérables.

De notre correspondant à Vienne

Sur les images satellites fournies par un pays proche des intérêts américains, on distingue un conteneur en acier de la taille d’un autobus, situé sur la base militaire iranienne de Parchin. Ce genre de matériel est généralement utilisé pour tester des explosions radioactives à moindre échelle. Des plans d’ogive nucléaire, retrouvés sur les ordinateurs des scientifiques iraniens, ont également été fournis. Les contacts entre des réseaux de prolifération pakistanais et Téhéran auraient également été mis en évidence.

En début de semaine dernière, l’AIEA a confronté la délégation iranienne à ces allégations, les plus détaillées depuis le début du feuilleton, en 2003. Celle-ci les a immédiatement rejetées, arguant que Washington avait fabriqué de toute pièce les documents.

Depuis des jours, le gouvernement israélien orchestre des fuites dans la presse, faisant état d’études en cours sur d’éventuels bombardements des sites iraniens suspects. Selon le journal The Guardian, la Grande-Bretagne étudierait des plans d’urgence, en prélude à une éventuelle action militaire américaine contre l’Iran.

Cette « pression sans précédent » mise, selon les termes du président américain Barack Obama, sur l’Iran par les pays occidentaux rend la Chine particulièrement fébrile. Elle a demandé au directeur de l’AIEA, le japonais Yukiya Amano, d’être « prudent », « impartial », et « de ne se baser que sur les faits » dans l’élaboration de son rapport.

Pour Pierre Canesa, spécialiste des questions stratégiques internationales et en particulier militaires, la campagne occidentale de mise en accusation qui précède la sortie du rapport de l’AIEA met son directeur sous pression. « Aujourd’hui le patron de l’Agence est coincé », analyse pour RFI le chercheur associé à l’Iris. « Si son rapport n’est pas assez dur envers Téhéran, on l’accusera d’avoir caché des preuves sous la pression des Russes et des Chinois. Si en revanche il pointe réellement les Iraniens du doigt, on dira qu’il a cédé aux pressions des Américains et des Français ».

Selon Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), ses mandats ne permettent pas à l’AIEA de déterminer si l’Iran va devenir une puissance nucléaire. « Il y a des limites à ce que l’AIEA peut dire dans un rapport », rappelle-t-il. « La question ne se pose pas en terme de preuves définitives. L’accumulation d’éléments séparés offrira une marge d’interprétation, qui laissera chacun libre de ses choix diplomatiques ».

Lors du prochain conseil des gouverneurs de l’AIEA, qui se déroule à Vienne, au siège de l’agence, les 17 et 18 novembre prochain, les Occidentaux exigeront sans doute des États membres qu’ils renvoient le dossier devant le Conseil de sécurité des Nations unies, en vue d’une nouvelle série de sanctions. Ils risquent de ne pas se voir donner raison.

Peu leur importe en vérité. Ils se disent persuadés que la Russie et la Chine n’auront alors pas d’autre choix que de faire pression sur l’Iran, afin qu’il applique enfin le protocole additionnel de l’AIEA, un dispositif de renforcement des garanties, mis en place après la découverte d’activités nucléaires clandestines en Irak. Une avancée diplomatique majeure pour Barack Obama et Nicolas Sarkozy.

La Chine et la Russie craignent surtout que l’offensive occidentale pousse l’Iran à se retirer à son tour du Traité de non prolifération (TNP), comme l’avait fait la Corée du Nord en 2003. Yukiya Amano, lui, a peur de voir ses inspecteurs expulsés d’Iran. Et ses efforts pour créer une zone exempte d’arme nucléaire (ZEAN) au Moyen Orient réduits à néant.

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