Bachar el-Assad et le multipartisme «cosmétique»

Alors que la répression contre les manifestants se poursuit à Hama et que l'ONU vient de condamner les violences du régime syrien, le président Bachar el-Assad a autorisé ce jeudi 4 août le multipartisme, mettant fin à près d’un demi-siècle d’hégémonie du parti Baas. Mais pour ses opposants, cette loi est un non-sens, dès lors que la toute-puissance du parti au pouvoir est inscrite dans la Constitution.

« Le président Assad a promulgué jeudi un décret présidentiel sur la loi des partis ». Dans un pays comme la Syrie, cette annonce de l’agence officielle Sana est une petite révolution en soi. Il y a une dizaine de jour, pour répondre au vaste mouvement de contestation déclenché depuis la mi-mars, le gouvernement avait voté un projet de loi instituant le multipartisme. Cela n'avait en rien calmé les protestataires et le régime avait poursuivi sa sanglante répression. Mais après la condamnation des violences par le Conseil de sécurité de l'ONU mercredi 3 août, le président Bachar el-Assad a décidé de lâcher encore du lest. L’autorisation de la création de nouveaux partis politiques était en effet l’une des principales revendications des contestataires, avec la libération des prisonniers politiques et la levée de l’état d’urgence, obtenue en avril.

Car cela fait maintenant près d'un demi-siècle que le parti Baas est au pouvoir. Fondé en Syrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a pour vocation de réaliser l’unité arabe en supprimant les frontières et en mettant en commun les ressources de chaque pays. En mars 1963, il se hisse à la tête du pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat. Pour s’y maintenir, le Baas se durcit : mise en place d’un Etat policier et d’une armée baasiste, répression des opposants, interdiction des syndicats et du pluralisme des partis. Cependant, le parti Baas n’est pas un parti unique à proprement parler. D’autres formations existent, mais elles sont réunies au sein d’un « front » politique dirigé par le parti de Bachar el-Assad. En instituant le multipartisme, c’est donc les partis d’opposition que le président syrien autorise. Mais cela ne se fait pas sans conditions. Les nouveaux partis devront notamment respecter la Constitution syrienne et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ils ne pourront pas reposer sur des bases religieuses, tribales ou régionales, ni abriter de formation militaire ou paramilitaire et faire usage de la violence.

« De la poudre aux yeux »

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a salué la décision du président el-Assad, considérant qu’elle constituait une « étape dans la bonne direction ». Mais pour les opposants syriens, elle n’est que « de la poudre aux yeux ». « Les mesures annoncées ne sont qu’une opération cosmétique destinée à l’opinion publique interne et externe, a affirmé l’avocat et opposant Anouar al-Bounni, président du Centre syrien d’Etudes et recherches légales. Tant que la Constitution n’est pas amendée ou changée, les lois promulguées ne sont pas valables et sont toutes mort-nées ».

Car si le texte autorisant le multipartisme peut paraître louable au premier abord, ses conditions sont en fait plus que restrictives. En obligeant les futurs partis à respecter la Constitution, Bachar el-Assad les force à faire acte d’allégeance au parti au pouvoir. L’article 8 de l’actuelle Constitution, rédigée en 1973, stipule en effet que « le parti dirigeant de l’Etat et de la société est le parti Baas ». Dans l’état actuel, si les partis d’opposition sont autorisés, ce n'est donc que pour faire de la simple figuration. « Nous sommes plus que dubitatifs, c’est absolument inutile, a ainsi déclaré au Washington Post, Chakib al-Jabri, l’un des membres fondateurs d’un nouveau mouvement politique syrien, le Bloc national. Et nous n’allons pas nous précipiter pour nous faire enregistrer car cela viendrait à reconnaître la suprématie du parti Baas ». Par ailleurs, en leur interdisant d’être basés sur des revendications régionales ou religieuses, le pouvoir syrien exclut de fait du jeu politique les nombreuses formations kurdes ou l’organisation des Frères musulmans.

Et comment ne pas s’étonner devant des règles imposant le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme à l’heure où les chars du régime syrien répriment dans le sang les manifestations à Hama ? Pour le ministre des Affaires étrangères français Alain Juppé, l’autorisation du multipartisme en Syrie est en tout cas une nouvelle provocation du régime.

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