Boulevard Rothschild à Tel Aviv. Une élégante avenue où se trouve le bâtiment dans lequel David Ben Gourion proclama l’indépendance d’Israël en mai 1948. Ces jours-ci, l’avenue a changé de visage : sous les arbres de l’allée centrale, habituellement dédiée aux promeneurs à pied ou à vélo, des centaines de tentes de camping ont été plantées les unes à côté des autres. Une ville de toile, ornée de centaines de pancartes et de banderoles. Messages politiques ou dessins féroces comme celui-ci, représentant un ours en colère emportant les politiciens israéliens. Sur la caricature, l’ours porte un écriteau où l’on peut lire son nom : «le peuple».
Contre la «vie chère»
Malgré sa barbe, Michael n’a rien d’un ours. Le jeune homme, habillé plutôt «hippie», joue de la guitare sur l’un des nombreux canapés en fin de vie qui ont été installés entre les tentes. Michael vient d’arriver sur le Boulevard Rothschild, poussé ici par la revendication principale de ce vaste mouvement qui secoue le pays : « je loue un appartement à Tel Aviv, raconte le jeune homme qui a récemment terminé son service militaire, un très petit appartement de quelques mètres carrés seulement. Il est très vieux et en très mauvais état et cela me coute environ 2000 shekels (400 euros), ce qui est vraiment hors de prix». 2000 shekels, c’est presque la totalité de ce que Michael gagne chaque mois avec son emploi à temps partiel de serveur dans un restaurant.
Le camp vit au rythme de ses habitants. Beaucoup sont des actifs qui partent travailler le matin et rentrent le soir. C’est en fin de journée que le lieu s’anime, avec de la musique, des discours, des débats. Sous une tente il y a même une cuisine où des volontaires s’affairent pour préparer des repas gratuits pour les habitants du camp. «Les gens nous apportent des légumes ou des fruits, explique Assif, passé aux fourneaux pendant ses vacances d’été, et on prépare des plats en fonction de ce que l’on a».
Un mouvement largement soutenu en Israël
T-shirt rouge et barbe rousse, Oren Pasternak, du Syndicat des étudiants israéliens décrit la population du camp de tente : « des gens de droite et de gauche, des gens du sud et du nord du pays. Il y a des familles, il y a des bébés, des gens âgés, des jeunes. Tout le peuple d’Israël et peu importe la couleur de votre peau ». Le jeune militant évoque aussi les revendications de son organisation : « Il s’agit d’améliorer l’Education, d’améliorer la protection sociale, de diminuer les impôts, de réformer le système fiscal en Israël. Il faut bâtir des logements pour les étudiants, pour les familles et pas seulement pour les riches. Construire des routes, de meilleurs transports publics, des trains pour desservir tout Israël. »
Plutôt laïc, plutôt de gauche mais dépassant largement ces deux catégories, le mouvement est venu de la base. Et particulièrement des classes moyennes. Celles qui ont le plus souffert des réformes libérales menées depuis une dizaine d’années en Israël. Internet et les réseaux sociaux ont largement contribué à la mobilisation. La Histadrout, le grand syndicat israélien soutient les protestataires campeurs mais avec des réserves, voire une certaine méfiance. Une ambiguïté que l’on retrouve chez les nombreux curieux qui viennent visiter les camps de tentes à Tel Aviv, Jérusalem ou dans les autres villes d’Israël. « Je ne suis pas contre, personne n’est vraiment contre, assure ce retraité à la kippa noire qui observe les campeurs de Jérusalem, mais je crois qu’ils ont un but bien précis : faire tomber le gouvernement ». Les derniers sondages montrent toutefois que plus de 80% des israéliens soutiennent ce mouvement.