En Iran, un duel au sommet avant les prochaines élections

Le Parlement iranien, dominé par les conservateurs religieux a rejeté ce mardi 21 juin 2011, le projet de fusion des ministères du Pétrole et de l'Energie. Il s'est opposé en cela à la volonté du président Mahmoud Ahmadinejad qui avait annoncé le 15 mai dernier vouloir rassembler les deux ministères. Les deux camps ne perdent pas de vue les prochaines élections.

En Iran, les attaques du Parlement dominé par les conservateurs religieux se multiplient contre le camp d'Ahmadinejad alors que se dessinent en 2012 les élections législatives et en 2013 les présidentielles.

Ce mardi 21 juin 2011, le Parlement, opposé au président iranien Mahmoud Ahmadinejad a repris l'offensive en ouvrant une procédure de destitution contre le ministre des Affaires étrangères, en refusant l'investiture d'un ministre.

Atteinte aux intérêts du régime

La présidence du Majlis (Parlement) a avalisé une lettre de 33 députés conservateurs demandant la destitution du chef de la diplomatie Ali Akbar Salehi pour avoir nommé vice-ministre, Mohammad Sharif Malekzadeh, malgré de multiples mises en garde. Le Parlement estime que la nomination de ce proche de Mahmoud Ahmadinejad, chargé de surcroit de l'administration et des finances, porte atteinte aux intérêts du régime.

Il faut préciser que Mohammad Sharif Malekzadeh, ancien responsable du haut conseil des Iraniens à l'étranger, est un proche de Rahim Esfandiar Machaie, directeur de cabinet et principal conseiller du président Ahmadinejad.

L'initiative du Parlement a entraîné, quelques heures plus tard, l'annonce par l'agence officielle IRNA que Mohammad Sharif Malekzadeh avait « présenté sa démission ». Une démission accépété par Ali Akbar Salehi.

Les bêtes noires et le cercle des amis

Rahim Esfandiar Machaie est la bête noire des conservateurs religieux dominant notamment le Parlement. Le Parlement mène depuis deux mois une vaste offensive politique pour obtenir le limogeage de cet influent conseiller jugé trop libéral et trop nationaliste, qu'ils accusent de diriger un « courant déviationniste » visant à saper le régime islamique iranien.

En prônant un certain libéralisme vis-à-vis des femmes et en déclarant, en 2008, que « l’Iran est l’ami du peuple israélien », Mashaie avait déjà excédé les ultraconservateurs et une partie de l’opinion publique. La possibilité qu’il soit candidat et peut être élu à la présidentielle de 2013 donne des sueurs froides à Khamenei et à ses alliés, qui ont fait arrêter plusieurs proches d’Ahmadinejad.

Mahmoud Ahmadinejad a pour sa part refusé, jusqu'à présent, de se séparer de son directeur de cabinet.

Le bras de fer au sommet : avantage aux religieux

Le conflit entre l'autorité du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei et le président de la République Mahmoud Ahmadinejad ne sont pas nouveaux en Iran mais à ce jeu, c’est souvent le guide qui gagne.

« Depuis que la République islamique existe, il y a des problèmes relationnels entre ces deux pouvoirs », explique Mohamed Reza Djalili, professeur à l'Institut des hautes études internationales de Genève et il ajoute : « le président de la République agit parfois comme le chef de l’Etat, ce qui n’est absolument pas le cas ! Alors le guide intervient pour le remettre à sa place en quelque sorte. »

Longtemps fervent soutien de Mahmoud Ahmadinejad, dont il a validé la réélection contestable en 2009, Ali Khamenei, guide suprême depuis 1989, se dresse aujourd’hui contre le président dans ce qui s’apparente à une guerre ouverte entre deux courants conservateurs.

Avec la carte de l’Opep, devenir le « tout puissant »

Tout a commencé le 15 mai dernier. Alors que Téhéran assure la présidence tournante de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) , le président Ahmadinejad contre-attaque en annonçant qu’il va prendre provisoirement la tête du ministère du Pétrole, dont il limoge le titulaire. Avec l’Opep il visait une tribune internationale.

Jugeant cette initiative contraire à la Constitution, le Parlement, dominé par les pro-Khamenei, décide de saisir l’autorité judiciaire. Cédant aux pressions, Ahmadinejad nomme, le 2 juin, Mohammad Aliabadi, l’un de ses proches, ministre du Pétrole par intérim. Les menaces de poursuites judiciaires brandies par le Parlement ont donc étaient payantes.

L’étau se resserre autour d’Ahmadinejad

« Même si, la dispute entre les deux parties de la République islamique est à la fois conjoncturel et structurelle, aujourd’hui l’étau se reserre contre le president Ahmadinejad », explique Mohamed Reza Djalili . En effet, il est accusé de vouloir agrandir son pouvoir et de mettre en place un groupe de soutien en vue des prochaines élections législatives de 2012, sans oublier les présidentielles en 2013.

Par ailleurs, Khamenei et ses alliés, ont fait arrêter plusieurs proches d’Ahmadinejad. Il est vrai qu’Ahmadinejad n’ayant pas le droit d’effectuer un troisième mandat consécutif, il aurait pu s’appuyer sur ses proches pour rester dans le cercle du pouvoir dans la perspective d’une candidature, cette fois en 2017.

Nul doute que les partisans du guide suprême maintiendront la pression sur le camp d’Ahmadinejad pour l’empêcher de parvenir à ses fins. Il y va de leur avenir. Les deux prochaines élections ayant toutes les chances d’être truquées, Khamenei ne craint pas un mouvement d’en bas, mais plutôt un coup d’Etat qui remettrait en question son statut au sein de la République islamique.

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