Les mouvements d'opposition chiite dans le collimateur du royaume de Bahreïn

Le ministère bahreïni de la Justice et des Affaires islamiques a engagé une action en justice pour obtenir la dissolution des deux mouvements de l'opposition chiite, dont le puissant Al Wefaq. Ils ont été accusés de « menacer la paix » après des semaines de manifestations contre la monarchie sunnite. Al Wefaq est le principal groupe de l'opposition au Parlement avec 18 des 40 sièges.

Les deux partis d'opposition visés par l'action du gouvernement sont Al Wefaq et l'Association de l'action islamique, non représentée au Parlement. Al Wefaq, avec 17 000 membres et 18 députés, est le plus grand parti d’opposition de Bahreïn. Il est aussi le plus grand parti chiite.

Le parti, créé par des opposants en exil à Londres après les révoltes des années 90 et qui avaient profité de l'amnistie (2001) pour retourner au pays, était le symbole de l’ouverture du régime. Autorisé en 2002, il avait boycotté les élections parlementaires cette année-là, mais en 2006, il décide d'y participer -une décision qui provoque une scission au sein du parti- et remporte 17 sièges. 

En 2008, deux députés de Al Wefaq sont la cible du gouvernement : lors de voyages à l'étranger, ils ont accordé des entretiens à la presse étrangère au cours desquels ils critiquent l'action des dirigeants et dénoncent la discrimination dont la population chiite* est victime dans le royaume.

Durant les manifestations de la mi-février à la mi-mars, Al Wefaq avait demandé des réformes politiques pour transformer Bahreïn en une véritable monarchie constitutionnelle où le Premier ministre serait le chef de la majorité parlementaire. Il n'a jamais appelé publiquement au départ de la famille régnantes comme l'ont fait les manifestants ou des groupes chiites plus radicaux.

Trois entités politiques sont neutralisées ou en cours de l’être

Mattar Ibrahim Mattar, ancien député du Wefaq, a démissionné du Parlement avec les 17 autres députés chiites pour dénoncer la répression contre les manifestants. Pour lui, le régime joue aujourd'hui la carte judiciaire pour se donner une sorte de légitimité : « Ils veulent faire croire que l’on est dans un État de droit. Ils ont fermé le Waad, le parti, sans aller devant la justice. Ils ont fermé Al Waad, le parti démocratique. Avant, ils ont fermé le Centre des droits de l’homme, sans aller devant la justice. Et si le Wefaq est extrémiste, si toute l’opposition est extrémiste, avec qui veulent-ils parler ? »

L'Association de l'Action islamique, qui s'est jointe aux protestataires, est également menée par les chiites. Elle est le prolongement du Front islamique de libération de Bahreïn, accusé d'une tentative de putsch pro-iranien le 13 décembre 1981.

Si on inclut la suspension du parti de l’Action nationale démocratique de Bahreïn (Waad) et l’arrestation de son responsable, Ibrahim Sayed, trois entités politiques sont neutralisées ou en cours de l’être.

En parallèle, une campagne d’allégeance au roi a été lancée ce 13 avril. Une pétition de soutien circule.

Dans le grand stade de Manama, les sociétés sportives, les associations, les employés des ministères défilent en soutien à la famille régnante.

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* 70% de la population totale.

Histoire récente du royaume de Bahreïn et de la région sur le blog d'Olivier Da Lage

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