Le physicien nucléaire iranien Sharham Amiri retrouvé à Washington

Selon le département d’Etat américain, le physicien nucléaire iranien Shahram Amiri peut quitter « de son plein gré » les Etats-Unis où sa présence est donc confirmée. En le déclarant « libre de partir », Washington entend mettre fin à une ténébreuse affaire qui a vu Téhéran soutenir la thèse d’un enlèvement de Sharam Amiri par les services de renseignements américains. Il serait parvenu à leurs échapper pour se réfugier dans le bureau des intérêts iraniens installé à Washington dans les locaux de l’ambassade du Pakistan. « Les Américains sont les perdants de cette affaire », avait assuré mardi 13 juillet au matin l’homme qui se présente comme Amiri à la télévision iranienne, en espérant rejoindre rapidement la République islamique.

C’est une histoire rocambolesque, racontée par Téhéran, à défaut de source américaine officielle, puisque les Etats-Unis démentent tous fondements aux allégations iraniennes.

Il faut d’ailleurs se fier aux médias iraniens pour confirmer l’identité du « chercheur en radio-isotopes médicaux à l'université Malek Ashtar », le professeur Shahram Amiri, qui n’est jamais rentré d’un pèlerinage à La Mecque, où il est supposé être arrivé fin mai 2009. Et il aura fallu attendre décembre 2009, avant que cette « disparition » défraie la chronique, avec les premières accusations iraniennes.

Otage ou transfuge ?

En dehors des autorités iraniennes, nulle source indépendante n’a jusqu’à présent fourni de données précises permettant d’apprécier le degré d’importance des activités professionnelles du professeur Amiri dans le domaine nucléaire.

Mais il n’aura échappé à personne qu’entre une désertion ou un enlèvement, l’enjeu diplomatique est bien évidemment à géométrie variable. Et de fait, si Téhéran accuse la CIA d’avoir enlevé Amiri avec la complicité des services saoudiens, c’est la thèse inverse qui est développée côté américain.

Fin mars, la chaîne de télévision américaine ABC news avait affirmé que Sharham Amiri avait été approché par un agent de la CIA à Téhéran, où l'université Malek Ashtar est connue pour être sous la coupe des Gardiens de la Révolution, la garde idéologique du régime. Ce qui renforcerait l’intérêt des Américains pour l’établissement.

Rebondissement au sommet de Pittsburg

Les services américains et saoudiens auraient alors organisé l’exfiltration du physicien aux Etats-Unis. Au troisième jour de son séjour à la Mecque. Amiri serait donc un transfuge.

Amiri aurait permis aux américains de juger de l’état d’avancement du programme nucléaire iranien. ABC en veut pour preuve un rebondissement intervenu pendant le sommet de Pittsburg, en septembre 2009, trois mois après la disparition de Shahram Amiri. Le président Obama avait annoncé que Washington, Paris et Londres avaient la preuve de l'existence d'un site nucléaire gardé secret par l'Iran dans la région de Qom. Amiri aurait été l’une de leurs « gorges profondes ». Une thèse qui n'a jamais été confirmée par les Etats-Unis.

Le porte-parole du département d'Etat américain, Philip Crowley, s’était exprimé début juin pour répondre à une demande d’information de l’Iran aux Etats-Unis, formulée par l’intermédiaire du chargé d’affaires de l’ambassade suisse en Iran, puisque les relations diplomatiques entre Washington et Téhéran sont coupées depuis trente ans. Philip Crowley avait alors démenti toute implication des autorités américaines dans un quelconque dossier Sharham Amiri. Il avait même refusé de dire si le physicien se trouvait ou non aux Etats-Unis.

Vidéos contradictoires

De son côté, Téhéran avait maintenu sa thèse en s’appuyant sur toute une série de vidéos plus ou moins contradictoires. Le 7 juin dernier, la télévision publique iranienne avait ainsi diffusé une première vidéo, dans laquelle un homme se présentant comme Amiri affirmait qu’il avait été enlevé et torturé par la CIA, et qu’il était détenu près de la ville américaine de Tucson, dans l’Arizona.

Courant juin, une deuxième vidéo avait été mise en circulation avec un personnage se présentant encore comme Amiri pour affirmer qu’il était aux Etats-Unis de son plein gré. Une troisième vidéo en forme de démenti de la précédente avait suivi. « Nous sommes le 14 juin. Je suis Shahram Amiri, ressortissant de la République islamique», disait l’homme de la vidéo. Et d’expliquer : « Il y a quelques minutes j'ai réussi à m'échapper des mains des agents de renseignement américains en Virginie ». Il assurait aussi qu’il n’a ni « trahi » son pays ni donné de « papier écrit » à quiconque.

Le 7 juillet dernier, déjà, sur le site de la télé publique, Téhéran indiquait que « le chargé d'affaires suisse a été convoqué mardi, la veille, après la publication de nouveaux documents liés à l'enlèvement de Shahram Amiri par les forces de sécurité américaines ».

« Retourner rapidement en Iran »

Des preuves auraient été fournies par Téhéran. Et finalement, Shahram Amiri, si c’est bien de l’universitaire qu’il s’agit, aurait donc réussi à se « réfugier au bureau des intérêts iraniens à Washington où il a demandé à retourner rapidement en Iran », selon les autorités iraniennes.

En attendant de connaître éventuellement le fond de l’histoire, il faudra se contenter de la version délivrée par le mystérieux Amiri. « Après la publication de mes propos sur internet et le déshonneur des Etats-Unis, ils voulaient me renvoyer en Iran sans faire de bruit par un vol vers un autre pays, pour pouvoir nier toute l'affaire », a-t-il affirmé à la télévision iranienne, en soulignant qu’à son avis « les Américains sont les perdants de cette affaire » qui reste quand même à élucider complètement.

Partager :