Des enfants Roms privés d’école en France

Dans Appels sur l’actualité, un auditeur du Burkina Faso voudrait en savoir plus sur la situation des enfants Roms en France. Nombre d’entre eux ont un « accès restreint à l'éducation primaire », selon l'European Roma Rights Centre (ERRC) qui a mené cette année une étude dans six bidonvilles en France, auprès de 118 Roumains de 18 et 60 ans. Moins de la moitié de leurs enfants sont scolarisés. Dans la plupart des cas (60 %), affirme l'ERRC, cela est dû au refus des maires d'inscrire les enfants roms à l'école, alors que l'instruction est obligatoire pour tous les enfants entre 6 et 16 ans, français et étrangers.

Qu'est-ce qui justifie ce refus d'instruction pour les enfants Roms dans les écoles françaises ?

Dans le rapport, il y a deux grands enseignements à tirer. Le premier, c'est qu'aujourd'hui en France, moins d'un enfant Rom sur deux va à l'école. Ce n'est pas beaucoup, quand on sait qu'en comparaison, 99% des enfants français sont scolarisés. Le deuxième enseignement, c'est que six fois sur dix, quand l'enfant ne va pas à l'école, c'est parce que le maire de la ville refuse de l'inscrire.

Alors pourquoi un maire refuserait-il d'inscrire un enfant Rom ? La plupart du temps, les maires expliquent qu'il n'y a plus assez de place dans leurs écoles pour les accueillir. Surtout quand il s'agit d'enfants qui ne parlent pas français et qui ont donc besoin d'un accompagnement spécifique. L'enfant est alors placé sur une liste d'attente, et ça peut durer comme ça plusieurs mois.

Mais en fait, souvent, derrière ce refus, il y a une politique d'expulsion des Roms qui se cache. L'ONG, le Centre européen des droits des roms, explique qu'un enfant Rom qui va à l'école crée des liens avec sa commune. Par exemple, il se fait des amis qui ne sont pas forcément Roms, il côtoie d'autres parents, des enseignants.... Autant de personnes qui sont susceptibles finalement de se mobiliser en cas d'expulsion. Donc pour les maires, pas d'enfant Rom à l'école signifie moins de risque de mobilisation contre leur expulsion.

Mais les maires qui refusent l'accès à l'école sont pourtant hors-la-loi ?

Ils sont complètement hors-la-loi. Que dit la loi française ? C'est simple : l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, Français et étrangers, entre six et seize ans.
En plus de cette loi, la France est quand même signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cette convention dit elle aussi que les Etats doivent rendre l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.

En théorie, les maires risquent donc des poursuites judiciaires puisqu'ils ne respectent pas la loi. Mais dans les faits, la justice française n'est presque jamais saisie. Parce que quand on veut faire respecter ses propres droits, encore faut-il les connaître, maîtriser la langue française, et avoir les moyens de se payer un avocat. Et évidemment, ça n'est pas toujours le cas des parents Roms. Du coup, pour eux, la seule alternative c'est souvent les associations.

L'ONG qui publie ce rapport envisage-t-elle des suites politiques et judiciaires ?

Tout à fait. Elle compte envoyer une série de lettres à plusieurs acteurs qui sont directement concernés comme le ministère de l'Education nationale ou encore l'Association des maires de France. En ce qui concerne le judiciaire, pour l'instant, l'ONG ne prévoit rien. Elle attend qu'une affaire vraiment représentative de la situation éclate. Le jour où ça arrivera, elle prévoit d'aller devant le tribunal en espérant une jurisprudence.

Il faut noter quand même qu'il y a déjà un recours engagé devant le tribunal administratif par cette ONG, le Centre européen des droits des Roms. Cela concerne la ville de Ris-Orangis dans la banlieue parisienne. L'année dernière, pendant six mois, le maire avait refusé d'inscrire les enfants Roms dans les écoles de la ville. Il avait fini par les accueillir dans une classe spéciale à l'intérieur d'un gymnase. L'affaire avait fait beaucoup de bruit au point que le défenseur des droits écrive au maire pour qu'il intègre ces élèves dans une école.

Qu'en est-il au niveau des autres pays européens ?

C'est très clair : la France est mauvaise élève, mais d'autres pays européens ne font pas beaucoup mieux. Prenons l'Espagne. Elle est souvent citée en exemple pour son intégration de la communauté Rom. Mais même là-bas, la scolarisation de ces enfants est encore à améliorer. Seul un Rom sur trois va à l'école jusqu’à ses 16 ans.

La situation est pire dans d'autres pays d'Europe, parce qu'il y a une vraie ségrégation qui est mise en place. En Slovaquie par exemple, des milliers d'enfants Roms sont scolarisés dans des classes qui leur sont réservées. L'objectif évidemment, c'est qu'ils côtoient le moins possible les autres enfants.

Parfois, aussi, ils peuvent être placés dans des écoles destinées aux enfants souffrants de handicap mental léger, quand bien même l'enfant rom, lui, ne souffre d'aucun handicap. C'est aussi ce qu'il se passe en République Tchèque. Et même si le pays a officiellement aboli ces écoles spéciales en 2004, les choses n'ont pas, ou peu évolué aujourd'hui.

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