«L'infobésité», source de stress en entreprise

Plusieurs chercheurs mettent en garde les entreprises face au « fléau de "l’infobésité" ». Presque un salarié sur deux serait victime de surcharge informationnelle, principalement due à l’abondance du courrier électronique en entreprise, accusée de nuire à la productivité et d’accroître le stress au travail.

Dépassé par les courriels qui s’accumulent à longueur de journée dans votre boîte de réception ? Déconcentré par le flot continu de tweets, SMS et autres messages Facebook ? Si oui, il y a de grandes chances que vous souffriez d’« infobésité ». Ce mot-valise sert de traduction pour le terme anglais « information overload » qui désigne la pathologie de « la surcharge informationnelle », comme l’explique Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférences à Sciences-Po Paris.

D'après une étude réalisée par OnePoll pour la société Mindjet en mars 2012, 46% des salariés français sont « infobèses », incapables de « (di)gérer les informations dont ils sont bombardés toute la journée. » Au Royaume-Uni, une étude similaire constate que 65% des employés de bureau se sentent submergé par leur correspondance électronique.

Plus de 100 messages par jour en moyenne, consultés toutes les cinq minutes

Principalement en cause, les courriels, devenus l'outil de travail et de communication dominant en entreprise. « Nous sommes des récepteurs et des utilisateurs d'information, mais également des émetteurs d'information, donc à la fois les premières victimes de cette surcharge, mais aussi les principaux acteurs » révèle Caroline Sauvajol-Rialland. Elle pointe du doigt deux types de courriels particulièrement emblématiques de cette tendance : « Le mail parapluie, du type "je me protège", et le mail de visibilité, "je suis le plus beau, le plus fort et j'ai obtenu cela"  ».

Selon l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), 56% des utilisateurs consacrent plus de deux heures par jour à la gestion de leur courrier électronique et 38% reçoivent plus de 100 messages par jour. 65% déclarent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font en réalité bien plus souvent, parfois toutes les cinq minutes.

Le courrier électronique, cause de stress et de manque de productivité

Chercheur au CNRS, Thierry Venin observe que « l'urgence succède à l'urgence » et dénonce l'addiction qu’entraîne la consultation régulière de ses courriels. « Dès qu'on a reçu un mail, il "faut" y répondre sinon celui qui vous l'a adressé vous appelle en vous disant "tu n'as pas reçu mon courriel ? ". Une minute de libre? Vite, un coup d'œil sur la messagerie pour voir si rien n'est arrivé ! »

Toujours selon l’étude OnePoll, en moyenne, un quart des messages reçus ne sont pas lus. Et moins de 30% des destinataires prennent la peine de lire leur courrier dans son intégralité. Des chiffres qui remettent sérieusement en question l’efficacité d’un tel moyen de communication, sans compter le stress que « l’infobésité » provoque chez les salariés.

Pour 74% d'entre eux, ces interruptions constantes –que ce soit les courriels, les SMS ou les appels téléphoniques– sont un facteur de stress. « Un cadre est interrompu dans une fourchette de temps entre 2 et 8 minutes. C'est presque la torture de la goutte d'eau », selon Thierry Venin. Et avec les progrès technologiques qui nous rendent toujours plus connectés et plus joignables (smartphones, 3G, etc.), ce n’est pas prêt de s’arrêter.

La solution : ne plus répondre aux emails

Nick Bilton, journaliste au New York Times spécialisé dans les technologies numériques a trouvé une solution radicale au problème. L’auteur du livre «I live in the Future, here’s how it works »  -« Je vis dans le futur, voilà comment ça marche »- a tout simplement décidé de ne plus répondre à la centaine de courriers électroniques qu’il reçoit chaque jour. A la place, il préconise les interactions sur les réseaux sociaux, mais ne promet pas pour autant de réponses garanties. « Je répondrai peut-être avec un SMS, Google Chat, un message Facebook ou Twitter. Mais il est possible que, comme pour beaucoup de messages reçus via Facebook ou Twitter, je n’y réponde pas du tout. »

Moins radicales, quelques entreprises, comme la Société générale ou Casino suggèrent à leurs employés de préférer les interactions en face à face aux courriels à répétitions. Chez Canon France, les salariés sont incités à respecter une journée sans mail par trimestre pour favoriser les échanges. Une étude publiée par l’université de Californie a par ailleurs indiqué que les personnes qui surveillaient moins régulièrement leur boîte mail que la moyenne était moins stressées et plus productives, et recommande l’instauration de « vacances du courrier électronique ».

Dans un monde numérique qui compte plus de 3 milliards d’adresses emails, presque un milliard de comptes Facebook et des millions de comptes Twitter, « l'information est devenue une tyrannie: il y en a trop, accessible trop rapidement. » constate simplement Dominique Wolton, directeur de l'Institut des sciences de la communication du CNRS.

(Avec AFP)

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