Quand une banque allemande taxe les comptes de ses clients

C’est du jamais vu. Une banque coopérative allemande, Raiffeisenbank, a décidé cet été de taxer l’épargne des particuliers dont les avoirs dépassent cent mille euros. C’est une pratique qui ne devrait pas se généraliser mais qui pourrait inspirer d’autres établissements financiers à relever les frais bancaires.

Raiffeisenbank, une petite banque bavaroise a envoyé une lettre cet été à ses clients aisés pour leur annoncer cette « nouvelle ». L’établissement allemand répercute le coût des taux de dépôts négatifs mis en place par la Banque centrale européenne. Aujourd'hui en effet, une banque commerciale de la zone euro qui place ses réserves de liquidités auprès de la BCE doit payer la banque centrale au lieu d’être rémunérée.

Actuellement ce taux de dépôt est de moins 0,4%. Pour éviter cette taxation, les banques n'ont que deux solutions : transformer en crédit leurs dépôts auprès de la banque centrale, c'est-à-dire octroyer des prêts; ou taxer leurs clients, qu’ils soient particuliers, entreprises ou institutions. La petite banque bavaroise a choisi cette dernière solution. Pour ne pas créer de la panique, Christian Sewing, membre du directoire de Deutsche Bank, la première banque allemande, a rassuré qu’il ne taxera pas les dépôts de ses clients privés.

Booster la croissance

La BCE a mis en place ces taux d'intérêt négatifs pour les raisons suivantes : augmenter le volume des crédits octroyés par les banques, relancer l’activité économique et donc faire repartir l’inflation qui est très basse dans la zone euro. Une abondance de crédits fait baisser mécaniquement les taux d’intérêt des emprunts. Cela incite les entreprises et les ménages à s’endetter pour investir pour les uns et consommer plus pour les autres.

Les effets de cette politique sont visibles aujourd'hui en France ou par exemple pour l’achat d’un bien immobilier les taux d’intérêt n'ont jamais été aussi bas. Il en va de même pour les entreprises qui veulent investir. Ce calcul de la BCE obéit à une logique claire. Problème, depuis la crise de 2008, la régulation financière a imposé des contraintes de plus en plus fortes aux banques. Et même si les taux sont bas, les banques ne sont pas libres de prêter facilement. Elles doivent notamment avoir un montant de fonds propres plus important que par le passé.

C’est pour cela qu’une partie des réserves des banques ne sont pas absorbées par le crédit. Elles sont contraintes de les placer auprès de la BCE même si elles doivent payer un petit peu. Et pour compenser cette perte, la plupart des banques européennes taxent déjà une partie de leurs clients. Elles facturent ainsi les dépôts des grandes entreprises, des gros investisseurs ou de leurs grands clients institutionnels, mais ce n'est pas encore le cas pour les ménages.

Taxation déguisée

En France, il est vrai qu'on ne facture pas directement les dépôts des particuliers, même si cette taxation existe d'une manière déguisée. Récemment, de grandes banques commerciales ont décidé de facturer les services. Les clients de ces banques payeront quelques dizaines d’euros en 2016 pour la tenue de compte. Les banques qui ont déjà instauré ces pratiques ont relevé un peu plus leurs tarifs, ce qui au bout de compte revient au même résultat qu’un prélèvement sur le dépôt.

Dans un contexte de forte concurrence, les banques de la zone euro ne veulent pas courir le risque de perdre des clients. Au pire, les clients pourraient garder leur cash chez eux, le fameux bas de laine. Ce serait très mauvais pour la stabilité financière et pourrait même générer une crise financière. C’est pourquoi la plupart des banques n'ont préféré taxer que les grandes entreprises, celles qui gagnent beaucoup d’argent.

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