Lutte contre la «radicalisation»: les mesures Valls passées au crible

En France, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré vouloir supprimer les financements étrangers des mosquées pour lutter contre la radicalisation. Appels sur l’actualité s’interroge sur le poids réel de ces financements, mais aussi sur le sens qu'on donne au mot «radicalisation» et les lieux où elle s'opère. Explications avec Simon Rozé.

Existe-t-il un lien entre le financement étranger des mosquées et la radicalisation ?
Non. En tout cas, pas de lien prouvé et avéré. Et même de manière plus générale, il n'y a pas de lien entre mosquée – quel que soit son financement - et radicalisation. Ceci dit, il faut savoir de quoi on parle quand on dit le mot « radicalisation ». Si on parle de « jihadisme », la plupart des travaux réalisés montre qu'il n'y a pas de lien. En revanche, si par radicalisation vous entendez « salafisme », par exemple, pour le gouvernement en tout cas, il y a lien. C'est dans ce sens qu'il y a eu des fermetures de mosquées considérées comme telles, une vingtaine de fermées cette année, et il y en aura d'autres. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, l'a rappelé pas plus tard que le 1er août dernier.

Plus que les mosquées, il semble que ce sont internet et les réseaux sociaux qui sont mis en accusation dans le processus de radicalisation.
On parle même d'Imam Google ! C'est ce qu’a déclaré Mohammed Karabila, l'imam de Saint-Etienne du Rouvray, après l'assassinat du Père Hamel. On le dit de tous les jihadistes, ils n'ont qu'une connaissance parcellaire et floue de l'Islam, et cela pour une raison est simple : ils ont fait leur éducation religieuse tout seuls et non pas à la mosquée, sans imam pour contextualiser le texte, pour l'interpréter.

Quels sont les pays qui financent régulièrement les mosquées en France ? On entend souvent parler de l'Arabie saoudite ou des pays du Golfe, mais ce ne sont pas forcément les principaux contributeurs…
En effet, c'est principalement une idée reçue. Il y a grosso modo 2 500 mosquées et salles de prières en France aujourd'hui, ce qui est trop peu pour le nombre de fidèles. Il faut donc en construire d’autres pour leur permettre de prier dans de bonnes conditions. Bien sûr, avec la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, les pouvoirs publics ne participent pas. Cependant, ils peuvent aider en mettant des terrains à disposition. Et pour le financement de la mosquée en elle-même, ce sont les fidèles eux-mêmes qui mettent la main à la poche.

Mais quelle est la part du financement étranger des mosquées ?
Précisément, les financements des pays étrangers sont de l'ordre de 20 % : en premier, l'Algérie puis le Maroc, et en troisième position l'Arabie saoudite. Mais le financement peut être indirect. C'est par exemple le cas de l'Algérie : c'est-à-dire que le pays va donner une subvention à la Grande Mosquée de Paris qui va redistribuer les fonds.

La proposition de Manuel Valls d'interdire les financements étrangers est-elle utile ?
Eh bien, ce sera tout de même 20 % de l'origine des fonds qu'il faudra aller chercher ailleurs. Pour pallier ce manque, le Premier ministre a avancé l'idée de ressusciter un vieil organisme qui n'a jamais véritablement rempli sa mission, la Fondation pour les œuvres de l'Islam, créée en 2005. Dans sa nouvelle mouture, cette fondation aurait pour objectif de réunir les fonds nécessaires pour construire les mosquées. Pour remplacer les fonds étrangers, il y a aussi plusieurs pistes évoquées par le CFCM, le Conseil français du culte musulman, et notamment une taxe sur les produits hallal ou sur le pèlerinage à la Mecque. Ces mesures sont encore en cours de discussion avec le ministère de l'Intérieur, et on devrait en avoir les détails courant octobre. Une précision encore, tous ces financements ne serviront pas qu'à construire des mosquées : on parle notamment de formation des imams et d’activités culturelles autour de l'Islam. 

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