Radicalisation: une «Brigade des mères» face à l'impuissance des familles

En France, comment faire face à la radicalisation d'un enfant voire d'un départ pour le jihad ? Pour alerter les parents et empêcher leurs enfants de devenir des tueurs, une Française, Nadia Remadna, confrontée elle-même au terrorisme dans son pays d'origine, l'Algérie, a fondé une association dans le nord de Paris. Depuis un an, la Brigade des mères agit à Sevran auprès de personnes démunies devant la violence.

Ce sont deux sœurs, deux jumelles de 15 ans qui, un jour, ont décidé de ne plus aller au collège et se sont mises à porter le niqab. En noir de la tête aux pieds. Elles s'apprêtaient à quitter Paris pour aller combattre en Syrie. C'est là que Nadia Remadna est intervenue. Elle connaissait la mère et, en tant que fondatrice de la Brigade des mères, elle a réuni tout le monde et ça a marché, assure-t-elle :

« La maman, elle avait peur de couper le contact avec les filles, alors du coup, elle rentrait dans leur jeu, elle ne s'en rendait pas compte et elle adhérait à tout. Du coup, on n'arrivait pas à mettre le holà. Elles disaient effectivement : " Vous n'êtes pas des vrais musulmans, les vrais musulmans, c'est ça... " Je leur ai dit que l'homme avait toujours été barbare, qu'aujourd'hui, on n'est pas à l'époque du prophète et qu'il y a des femmes qui se battent justement pour cette liberté. Il y en a une qui va reprendre, faire une formation. L'autre hésite un petit peu. Elle a gardé le foulard, s'est habillée on va dire avec un petit chemisier, se fait plus coquette, mais maintenant il y a un dialogue avec la mère, et la mère montre son autorité, surtout. »

A la Brigade des mères, l'expérience a prouvé que seul devant son ordinateur, un jeune garçon ou une jeune fille ne se radicalisera pas. Au départ, il y a toujours une rencontre. A Sevran comme dans d'autres villes de France, on sait où agissent les prédicateurs : dans des boutiques de vêtements, dans certaines mosquées, devant des immeubles. Le pire, c'est qu'on les connait. Alors, à la police de faire son travail, demande Nadia Remadna, de les surveiller et de les arrêter. Elle explique avoir fait savoir au ministre de l'Intérieur que toutes les mères de la « Brigade » sont prêtes à collaborer.


■ Deux ans de lutte contre la radicalisation et tout ce qui y conduit

Médiatrice scolaire pendant six ans, Nadia Remadna a créé la Brigade des mères en 2014 à Sevran, en région parisienne, après un contrat non renouvelé. « Les mères en difficulté continuaient de m’appeler, et donc je ne pouvais pas les laisser tomber. Ce que j’ai fait, c’est de reprendre mes dossiers en cours et j’ai continué à les suivre tout simplement », expliquait-elle l'an passé au Bondy Blog.

Objectif : prévenir, accompagner les familles face aux difficultés des enfants à l'école, dans leur construction individuelle, ou encore face à la violence dans la rue, la délinquance, la prison et bien sûr, la montée de la radicalisation. « Faire respecter la loi », dit sa fondatrice. La Brigade des mères, qui a organisé plusieurs évènements publics, dénonce par ailleurs une « connivence » entre élus, responsables administratifs et religieux. « Ceux qui radicalisent sont priés de dé-radicaliser », considère-t-elle.

Plus largement, la Brigade des mères (site de l'association) intervient sur « les thématiques du logement, les femmes victimes de violences conjugales, les jeunes déscolarisés de moins de 16 ans, et aussi des jeunes filles en prison (...) C’est une structure qui permet aux femmes de sortir de l’ombre, quel que soit leur statut social. Ce sont des mères qui sont souvent stigmatisées et désignées comme des mères démissionnaires. Et donc, nous luttons contre ces préjugés », explique Nadia Remadna.

→ Écouter sur RFI :

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