Commune 13 de San Javier à Medellin: de l'enfer au rêve touristique

La métamorphose a débuté en 2002 avec Orion, l'opération de nettoyage menée par les forces armées colombiennes. Avant cette date, la commune 13 de San Javier, au sud de Medellin, passait pour une des plus dangereuses de la ville. Trafics en tout genre et guerres de territoires entre bandes rivales régissaient le quotidien de ses 140 000 habitants. Aujourd'hui, elle est devenue un site touristique grâce à ses fresques murales qui ornent les murs le long des 385 mètres d’escaliers électriques...

« Avant, les gens dormaient sur les matelas à même le sol. De cette manière, ils pouvaient se protéger des balles », raconte Manuel Garces, un habitant de Medellin devenu guide touristique. Il décrit la scène tel un film : « Il y avait des hélicoptères qui tiraient dans tous les sens, sans cible précise. Les forces armées colombiennes venaient du sommet de la colline et, pareil, ils mitraillaient la commune. Depuis le sud de la commune, les bandes ou milices répondaient. Entre les deux, il y avait les habitants. »

« Impossible d'entrer dans la commune,les gens se faisaient tuer »

Ce décor hollywoodien, c’est celui de l'opération Orion, menée entre le 16 et 17 octobre 2002 par les forces militaires colombiennes, y compris aériennes, et par la police nationale. Orion marque le début du processus de récupération de la commune qui était entre les mains des « Combos », des bandes organisées. « Il était impossible de rentrer dans la commune si vous n'y habitiez pas. Les gens se faisaient tuer s'ils le tentaient. Ici, la majorité des habitants a perdu un proche ou une connaissance durant ces années de violences. Moi qui vivais dans la commune limitrophe, j'ai perdu deux amis qui passaient seulement par là et qui ont été abattus. »

Solia a la soixantaine. Elle vit ici depuis plus de trente-cinq ans. Elle a vécu toutes les étapes de la transformation. « C'était très dur. Les " Combos " ont fait beaucoup de mal. Puis d'autres organisations sont arrivées. Elles se sont installées. Et les choses ont changé. Maintenant, des gens du monde entier viennent nous voir. J'en ai vu d'Israël, de Russie, d'Australie, de Hollande. Il n'y a plus de peur, mais il nous manque de l'aide pour les jeunes. Il faut les orienter, les éduquer. »

Les touristes, comme de nouveaux voisins

En effet, les touristes ne gênent plus les habitants. Ils sont devenus comme des voisins. Les enfants les approchent volontiers, jouent les guides. Yaira, 9 ans, raconte qu'elle leur parle en anglais : « Je leur dis " hello ", " how are you ", " bye ". La dernière fois, un touriste m'a offert une paleta », une glace artisanale de la commune faite de fruits en morceaux avec du jus (le régal des gourmands, ndlr). 

Cette transformation doit également son succès aux rénovations urbanistiques, à commencer par l’installation d’escaliers électriques qui ont remplacé les 359 escaliers de la commune 13 San Javier, nichée à flanc de colline. Des hauteurs qui rendaient la vie complexe aux ouvriers qui composent en majorité ses habitants, qui mettaient une heure et demie pour se rendre au centre-ville. Ces escaliers, ajoutés à la station de métro et au téléphérique, ont réduit le trajet de vingt minutes en moyenne.

Une nouvelle ambiance

L'ensemble de ces aménagements ont été gérés par la municipalité, et sur du long terme. Plus de dix ans après l'opération Orion et quatre ans après l'ouverture des escaliers électriques, il y a toujours des agents de la mairie à chaque escalier pour vérifier le bon usage du système et aider les habitants. Des espaces pédagogiques ont été installés entre les arrêts avec des fresques d'artistes nationaux et internationaux. Pour le bonheur des touristes.

Mais les problèmes persistent. Au début du mois d'avril, un homme d'une trentaine d'années a été retrouvé mort dans le quartier. La victime avait des blessures par balles à la tête et à l'épaule.

Malgré cela, l'ambiance a totalement changé. C’est ce qu’assure Manuel Garces, pour qui « une nouvelle énergie se dégage ». Et de citer un des artistes, auteur d'une fresque, un Brésilien qui lui a dit : « Ici, c'est un peu les Favelas, mais à la Colombienne, avec une énergie plus positive, plus brillante. » 

Partager :