Quelles sont les causes de la flambée de violences dans l’est de l’Ukraine ?
Il est toujours délicat d'analyser les causes de telles batailles, d'autant qu'on ne sait pas précisément comment ont débuté les hostilités, chaque camp accusant l'autre de provocations. La mission d'observation de l'OSCE a toutefois publié un rapport qui permet d’y voir plus clair. Elle affirme avoir noté des déplacements d'artillerie lourde de Donetsk, ville tenue per les pro-russes, vers la zone où la bataille s'est produite, avant et pendant les combats. L'OSCE dit aussi avoir entendu d'abord une série de tirs sortants de la zone séparatiste et, plus tard, de tirs entrants, c'est-à-dire des tirs provenant du camp adverse, en l'occurrence des forces ukrainiennes
Qui aurait intérêt à faire monter la tension ?
On ne peut qu'émettre des hypothèses ou avancer des pistes. Si on se place du point de vue des pro-russes, ceux-ci pourraient chercher à gagner du terrain pour éloigner les forces ukrainiennes de Donetsk. Or Mariinka est une localité qui jouxte quasiment la périphérie Donetsk. L'idée serait donc de repousser un peu plus la ligne de front. Les séparatistes se défendent d'avoir mené l'assaut et affirment qu'ils ont répondu à une attaque ukrainienne.
Y a-t-il une autre hypothèse ?
Oui, il s’agit peut-être aussi d’entretenir un climat de tension. Provoquer des incidents peut être aussi un moyen de montrer à la communauté internationale que les choses n'avancent pas, à quelques jours d'une grande réunion internationale, le sommet du G7 en Allemagne, où il devait être question entre autres de l'Ukraine. Il y aura aussi à la fin du mois un sommet de l'Union européenne qui se penchera sur la question des sanctions envers la Russie, accusée de soutenir la rébellion dans l'Est. Il s’agit donc peut-être de faire monter les enchères. Si l'on se place du point de vue ukrainien, une bataille comme celle de début juin leur permet une nouvelle fois de pointer le non respect des accords de Minsk par les séparatistes et de dénoncer l'aide venue de Russie. Le président Porochenko a indiqué que plusieurs militaires russes avaient été tués et un autre capturé. Un tel incident leur donne, une nouvelle fois, l’occasion de dire aux Occidentaux qu’ils doivent maintenir la pression sur Moscou.
Quelles sont les forces en présence ?
Les responsables séparatistes n’ont, jusqu’à présent, jamais fourni de chiffres. A l’issue d’une réunion du conseil interparlementaire Ukraine-Otan, le ministre ukrainien de la Défense, Stéphane Poltorak, a avancé que son armée avait face à elle 42 000 hommes, appuyés par plus de 500 chars et de nombreuses pièces d’artillerie. « Une telle quantité d’armements suffirait pour armer un Etat moyen européen », a-t-il dit, accusant la Russie d’être « le principal organisateur et parrain du conflit », qui aurait fait plus de 6 400 morts depuis avril 2014. Après la bataille de Mariika, le président Petro Porochenko avait affirmé que 9 000 militaires russes se trouvaient sur le sol ukrainien. Moscou dément toute implication, concédant seulement la présence de « volontaires » russes, partis de leur plein gré et de leur propre initiative soutenir les combattants séparatistes. Les forces ukrainiennes contrôlent environ les deux-tiers du Donbass, qui englobe les régions de Donetsk et Lougansk, mais les séparatistes ont le contrôle de près de 400 kms de frontière ukraino-russe, un avantage certain, notamment pour l'acheminement des armes et des combattants. En principe, les deux parties auraient dû retirer leurs armes lourdes de la ligne de front, mais la bataille de la semaine dernière a rappelé avec acuité que tel n'était pas le cas. Quasiment chaque jour, l'OSCE rapporte avoir vu ou entendu des tirs d’armes de calibre supérieur à 100 mm. Le porte-parole de la mission, Michael Bociurkiw, rapporte que ses observateurs ont vu « des chars en position de tirs des deux côtés de la ligne du front ».
Quelles seront les conséquences de la reprise des combats sur les accords de paix de Minsk 2 ?
Attendons de voir comment les choses vont évoluer. Pour le moment, on ne peut pas parler de reprise des combats à grande échelle. La bataille du début du mois à Mariika, a semble-t-il tourné au désavantage des séparatistes. Dans le même temps, la situation reste très tendue. Dans ses rapports quotidiens, l'OSCE note une intensification des échanges de tirs en plusieurs points. Dans le cas d'une reprise à grande échelle des combats, les accords de Minsk peuvent bien évidemment voler en éclat. Les conséquences en sont imprévisibles. En Russie, les proches du Kremlin n'excluent pas que, si les choses empiraient, Moscou renoncerait au préambule des accords de Minsk qui garantit l’intégralité territoriale de l’Ukraine. Après la bataille de Mariinka, le président Porochenko s'inquiétait d'une « menace gigantesque » de la part de son voisin russe, dont un « nombre important de troupes sont massées près de la frontière ». Plus généralement, les affrontements n'aident pas à mettre en œuvre les autres points des accords de Minsk, et notamment le dialogue politique qui doit aboutir à la tenue d'élections locales et à la levée par Kiev du blocus économique des régions sous contrôle séparatiste. Or pour l'instant, Kiev ne semble pas avoir de stratégie de dialogue à l'égard des séparatistes. Les armes pourraient donc continuer à parler.