Burkina Faso: les militaires au cœur de la future présidentielle

A l'image de Djibril Bassolé, ancien chef de la diplomatie du président déchu, Blaise Compaoré, plusieurs hauts gradés burkinabè ont affiché leur volonté de se présenter à la magistrature suprême. De probables candidatures qui provoquent le débat au sein dans la population.

Djibril Bassolé sera donc sans doute candidat à la présidence. En revanche, ce général de gendarmerie a dû résoudre un problème juridique, constitutionnel : il a dû officiellement prendre ses distances avec l’armée. C’est chose faite depuis le début de la semaine : le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Yacouba Zida ont signé, à sa demande, un décret par lequel M. Bassolé obtient « disponibilité » de l'armée pour « deux ans [pour] convenance personnelle », a indiqué l’intéressé lors d'une conférence de presse. Au passage, Djibril Bassolé a d’ailleurs déclaré qu’il en était détaché depuis 1999 et qu’il n’exerçait plus aucun commandement depuis cette date.
 
Deux points en débat

Techniquement donc, rien ne bloque cette probable candidature. Néanmoins, deux points font débat dans la société burkinabè.Lepremier : une partie de la société civile souhaite une « démilitarisation » de la vie politique. Depuis l’indépendance, l’armée est en effet toujours au cœur des institutions. Les Burkinabè « vivent » avec l’armée. Et la révolution d’octobre dernier a fait naître ce besoin de séparer pouvoir politique et pouvoir militaire. « La politique est un facteur qui divise la grande muette », a déclaré récemment Maître Guy-Hervé Kam, le porte-parole du Balai citoyen. « Il suffit qu’une faction de l’armée ne soit pas d’accord avec une autre pour tenter de lui reprendre le pouvoir par les armes », a ajouté l'avocat. A cette polémique, Djibril Bassolé répond que « les militaires sont des citoyens comme les autres, qui ont exactement les mêmes droits. Il vaut mieux dans ces conditions-là s’en tenir aux textes et à la Constitution ».
 
Djibril Bassolé n’est d’ailleurs pas le seul militaire à vouloir se présenter à la présidentielle. On peut citer Jean-Baptiste Natama et Yacouba Ouedraogo. Et c’est cette multiplication des candidats venus de l’armée qui énerve les Burkinabè. Mais c’est un fait assez récent. En début de semaine, des organisations de la société civile ont adressé un courrier au gouvernement pour dénoncer ces candidatures de militaires. Si on revient quatre mois en arrière, après la chute de Compaoré, ce sont ces mêmes organisations qui sont allées chercher un certain Isaac Yacouba Zida – un militaire, lieutenant-colonel du RSP, le régiment de sécurité présidentielle, pour assurer la gestion du Faso le temps de mettre en place la transition politique. M. Zida est désormais Premier ministre.

Retour de bâton

Second débat en cours au Burkina Faso : une partie de la population s’oppose de manière très ferme aux candidatures à quelque élection que ce soit des membres du CDP, le Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti de l’ex-chef de l’Etat, Blaise Compaoré. Aux membres du CDP, mais aussi à tous ceux qui ont soutenu la modification de l’article 37 en octobre dernier, article qui limite à deux le nombre de mandats d’un président au Burkina.

Proche du clan Compaoré, Djibril Bassolé était membre du CDP. Mais si les autorités de transition ont un temps, en décembre, suspendu ce parti politique, il a été rétabli depuis. Certains de ses membres organisent à nouveau des meetings, des réunions avec leurs sympathisants. Pour Leonce Kone, le président du directoire du CDP, il est impossible d’interdire ce parti sur la scène politique. Voilà sa dernière déclaration sur ce dossier : « Nous n’accepterons jamais cela, car c’est contraire à la loi. » 

Politiquement, la transition, qui souhaite faire avancer la réconciliation, n’a aucun intérêt à faire interdire ce parti. Le retour de bâton pourrait être terrible. Après, il n’est pas impossible que les enquêtes en cours, enquêtes sur les dossiers économiques - corruption de l’Etat, vol, etc. - aboutissent dans les semaines ou dans les mois qui viennent et qu’ainsi certains caciques du régime Compaoré soient interpellés, voire jugés, ce qui pourrait les rendre inéligibles.

Sur notre antenne, le président Kafando a aussi indiqué que la moindre menace sur la transition, dans le pays comme à l’extérieur, serait immédiatement sanctionnée. Un message clair adressé à tous ceux qui ne joueraient pas le jeu démocratique.

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