Gitans d’Espagne: le dictionnaire cultive toujours les préjugés

En Espagne, le terme de « gitan » n'a jamais été très positif. Les dictionnaires se font d’ailleurs l'écho de ces préjugés. Pourtant, en 2012, le Dictionnaire de la Royale Académie espagnol avait promis de changer les définitions vexatoires concernant les quelque 500 000 à 600 000 gitans espagnols. Dans sa 23è édition, sortie à la mi-octobre, cet ouvrage de référence a bien procédé à certaines rectifications. Mais beaucoup les estiment insuffisantes.

La 23è édition du dictionnaire de la Real Academia Española, sortie à la mi-octobre, comporte six acceptions différentes pour définir le mot « gitan », « gitano »en espagnol. Il explique notamment que ce mot provient d'Inde et d'Egypte. Après des années de réclamations de la part d’associations gitanes ou de droits de l'homme, les concepteurs de l'ouvrage ont fini par retirer la quatrième définition selon laquelle le Gitan est « celui qui escroque et cherche à berner ». En revanche, ils ont conservé la cinquième qui le qualifie de fraudeur, qui « se sert de stratagèmes et d'artifices pour escroquer quelqu’un » et qui tente d'escroquer « à l'aide d'astuces et de mensonges ». Le pire est donc encore là.

Le flamenco, la télévision ou les arts

Ce qui rend fou de colère le mouvement gitan, c’est que sur le fond, rien n'a vraiment changé. En gros, dans le dictionnaire, « gitan » reste synonyme de truand, de voleur, de trompeur… Et il faut bien dire que c'est ce que pense la majorité des Espagnols quant au demi-million de « Gitanos », aussi associés pêle-mêle à la forge, au flamenco et aux marchés ambulants.

Beaucoup enragent. C'est le cas de la féministe gitane Patricia Maya, ou de l'Union Romani et de bien d'autres pour qui le grand dictionnaire espagnol continue de « colporter des stéréotypes discriminatoires et d'entretenir la ségrégation ». L'institution publique le Défenseur du peuple, elle aussi, est furieuse de cette façon de stigmatiser tout un collectif.

En fait, la communauté des gitans est aujourd’hui de plus en plus intégrée. Tout au moins, cette intégration a un peu progressé ces quinze dernières années. Des efforts ont été faits. Mais il est vrai que la plupart des Gitans figurent dans les statistiques de l'échec scolaire et de l'absentéisme, et que rares sont ceux qui réussissent socialement par un autre canal que le flamenco, la télévision ou les arts.

Mais, justement, ce que disent les collectifs gitans, c'est que si le principal dictionnaire est le premier à cultiver les préjugés, il n'aide pas à changer la situation. Par contre, ces collectifs applaudissent le fait qu'en Andalousie, où il y a 300 000 gitanos, les autorités ont fixé le 22 novembre comme « Jour des gitans ». Une façon de leur accorder de la reconnaissance plutôt que de les stigmatiser. 

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