Sur la tragédie de Toulouse, la presse européenne a été pour le moins prolifique. Des « direct live » aux éditoriaux, elle s’est emparée d’un sujet qui ne pouvait pas la laisser indifférente, et que n’explique pas la seule proximité géographique avec la France. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, Israël ou l’Algérie sont autant de pays ayant de bonnes raisons à vouloir comprendre et analyser les « tueries du Sud-Ouest ». Car au-delà de la peine engendrée, ce terrible fait-divers soulève indéniablement des questions plus profondes.
« Cet attentat est-il une affaire purement française ou concerne-t-il l’Europe dans son ensemble, dans la mesure où il menace la façon de vivre européenne ? », interpelle le quotidien allemand Die Welt. Cette question, purement rhétorique, est celle qui a animé l’ensemble de ses confrères européens.
Et Die Welt de répondre à sa propre question : « Tout le monde peut être touché, qu’il soit parachutiste musulman ou écolier juif. Nul ne doit croire que l’Allemagne soit immunisée contre ce genre de crime. » « Le drame de Toulouse a profondément choqué le pays et le monde politique. Le massacre est perçu comme une attaque contre toute la société française », écrit de son côté le Times à Londres.
Anti-multiculturalisme latent
La presse britannique, très sensible au douloureux problème de l’intégration de ses communautés issues de l’immigration, met donc l’accent sur cet « attentat contre la société moderne pluriethnique » (Courrier international).
Le Times rappelle d’abord le contexte dans lequel s’inscrit l’événement : « Personne ne fait le lien entre les meurtres commis à Toulouse et à Montauban et l’élection présidentielle, mais l’irruption de la question raciale dans la campagne électorale (avec la polémique sur la viande halal, ndlr) a laissé un goût amer. Elle a révélé à quel point l’expression des rancoeurs à l’égard des immigrés fait quasiment partie du paysage. »
« Les pays du nord de l’Europe et la Scandinavie ont connu une évolution similaire ces dernières années, poursuit le quotidien britannique. D’ailleurs, c’est l’accès de folie meurtrière d’Anders Behring Breivik, en juillet 2011, qui nous est immédiatement venu à l’esprit le 19 mars, puisque l’acte du Norvégien était dirigé contre l’Etat moderne multiethnique. » « Il est probable, conclut-il, que (la tuerie, ndlr) engendrera la même solidarité qu’en Norvège en juillet 2011. »
Le parallèle avec le massacre d’Oslo est en effet inévitable, et a été repris par de nombreux médias. Ainsi, La Stampa en Italie établit le même constat d’une même haine du multiculturalisme inhérente aux fanatiques de tous poils : « Les premiers suspects des tueries de Toulouse et de Montauban ont été trois anciens paras néo-nazis. Le massacre d’Utøya, lui, avait été dans un premier moment attribué au terrorisme islamiste. Les deux faces opposées de l’intolérance au multiculturalisme sont souvent très proches. »
La presse allemande pointe du doigt ses vieux démons de la droite extrême, rappelant elle aussi que la piste néo-nazie avait un temps été envisagée.
« Par la faute d’un seul… » (Tunis Tribune)
Mais c’est bien le terrorisme islamiste qui revient tristement sur le devant de la scène.
D’une manière générale, « les musulmans redoutent que l’identité du tueur ne soit exploitée contre eux », titre Le Monde. Ils déplorent le risque d' « islamalgame », pour reprendre l’expression d’oumma.com, autrement dit le rapprochement entre les notions d’islam et de terrorisme, ressenti comme une accusation générale à l’encontre de la communauté des croyants (oumma) musulmans. « En dehors de la souffrance qu’il (Mohammed Merah, ndlr) va faire subir pour longtemps aux familles des disparus et à la sienne, il a de nouveau installé les Arabes et les musulmans dans la tourmente et a réactivé l’image de sanguinaires et de terroristes […] Quant à nous, Arabes et musulmans, nous sommes de nouveau couverts de honte et de désolation », s’indigne Ali Gannoun dans Tunis Tribune.
Le ton se fait plus véhément dans les colonnes du Quotidien d’Oran qui pointait du doigt, durant les événements, « l’insistance des médias français à mettre en évidence ' l'origine algérienne ' du tueur présumé de Toulouse […] Cette ' origine algérienne ', martelée comme une sorte d'empreinte génétique et ethnique du crime, est d'autant plus insupportable que dans tout l'échiquier politique français qui attend la levée de la fausse trêve électorale, on n'arrête pas de ressasser qu'il faut éviter l'amalgame. Il est pourtant déjà là. » « Avec cette terrible affaire, et malgré le discours anti-amalgame, les musulmans de France risquent de se retrouver dans la posture de l'accusé », redoute finalement le quotidien algérien.
La note positive vient de L’Orient-Le Jour. Sous la plume de son éditorialiste Issa Goraieb, le quotidien francophone libanais se félicite du réflexe solidaire montré par les responsables religieux : « Encore plus impressionnante cependant que les hommages étatiques rendus aux victimes, et même que la trêve politique décrétée par les principaux candidats à l’Elysée, est la jonction, elle aussi admirable de célérité, opérée entre les communautés juive et musulmane. »