Ziad Takieddine, l'intermédiaire en armement dont le nom figure dans de nombreuses affaires sulfureuses, est un personnage-clé de l'affaire Karachi. Les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire qui s'intéressent particulièrement au volet financier de cette affaire, le soupçonnent d'avoir alimenté la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 par un système illégal de rétrocommissions.
Dernier rebondissement dans ce dossier, l’homme d’affaires qui est l’objet d’un contrôle judiciaire a été mis en garde à vue jeudi, puis placé en détention provisoire, hier, vendredi 31 mai à la prison de la Santé à Paris. Cette mesure intervient suite à une dernière perquisition menée le 11 avril dernier à son domicile. Dans son appartement de 700 mètres carrés situé dans XVIe arrondissement de Paris, les enquêteurs ont mis la main sur un courriel laissant penser que Ziad Takieddine envisageait de quitter la France, alors même qu’il doit rester à la disposition de la justice française, comme l'y oblige le contrôle judiciaire sous lequel il est placé.
Un passeport dominicain à 200 000 euros
La fouille effectuée à son domicile a permis aux enquêteurs de mettre à jour les démarches de Ziad Takieddine pour se procurer un passeport diplomatique de la République dominicaine. Selon une source proche de l’enquête, ce document aurait coûté à l’homme d’affaire franco-libanais, la somme de 200 000 euros. Deux personnes, un Français et un Américain, soupçonnées d’être intervenues pour l’obtention du passeport ont été également placées en garde à vue jeudi et remises en liberté sous contrôle judiciaire.
Ce récent développement d’une affaire déjà fort complexe vaut à Ziad Takieddine
l’ouverture par le parquet de Paris d’une information judiciaire pour « corruption d'agent public étranger » et « escroquerie ». Une procédure à laquelle s’ajoutent deux autres instructions pour « fraude fiscale » et « organisation frauduleuse d’insolvabilité ».
Mis en examen dans le volet financier de l’affaire Karachi, Ziad Takieddine les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire vont maintenant tenter de découvrir comment il a pu financer l’achat de ce passeport alors que l’essentiel de ses biens a été saisi dans l’enquête sur l’affaire Karachi.
Travailler pour vivre
Selon un des défenseurs de Ziad Takieddine, Me Francis Vuillemin, son client n’a jamais cherché à fuir la France. Quant au projet destiné à obtenir un passeport dominicain, il « s'inscrit, de façon totalement accessoire, dans le cadre des investissements que Ziad Takieddine souhaitait faire en République dominicaine depuis la France et pour favoriser ceux-ci et l'ouverture d'un compte bancaire dans ce pays à cet effet » a expliqué l’avocat pour qui son client « a simplement essayé, à partir de la France, de continuer à travailler pour vivre ».
Cela dit, Ziad Takieddine est plus que jamais au cœur de l’affaire Karachi dans laquelle il est soupçonné d’avoir perçu des commissions légales versées pour des contrats d’armement. Les juges cherchent à savoir si cet argent a pu alimenter la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995 par le biais d’un système, illégal celui-là, de rétrocommissions. Si c’était le cas, cette affaire pourrait éclabousser de nombreuses personnalités politiques de droite et notamment Nicolas Sarkozy qui était à l’époque ministre du Budget et porte-parole de campagne du candidat Balladur.
On retrouve encore Ziad Takieddine dans une affaire en lien avec la Libye cette fois. L’intermédiaire en armement avait été arrêté en mars 2011 à l’aéroport du Bourget en provenance de Libye alors qu’il était en possession d’1,5 million d’euros en liquide. Une information judiciaire est en cours depuis novembre 2012 sur l’origine de ces fonds. Mais ce n'est pas tout pour l'homme d'affaires : il est encore impliqué dans une autre enquête concernant d'éventuels financements libyens de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.