Jean-Louis Borloo : et maintenant ?

En annonçant qu'il ne serait pas candidat à l'élection présidentielle alors qu'il s'y préparait depuis près d'un an, Jean-Louis Borloo a créé la surprise et a modifié la donne politique. Pour la plus grande satisfaction de Nicolas Sarkozy, qui voyait sa potentielle candidature d'un mauvais oeil.

Il avait tout fait pour qu'on y croit. Et au Parti radical, ils étaient nombreux à y croire : Rama Yade, Dominique Paillé, Yves Jégo, Laurent Hénart pensaient tous que Jean-Louis Borloo serait candidat à l'élection présidentielle. Rama Yade affirmait même qu'il le lui avait dit, qu'il n'aurait pas fait « tout ça » pour rien. « Tout ça », c'est-à-dire quitter le gouvernement faute d'avoir obtenu Matignon, se séparer de l'UMP, créer une nouvelle Alliance des centres, réfléchir à un programme, lancer un comité de soutien, prendre des positions de plus en plus critiques sur la politique du gouvernement... Et pourtant, Jean-Louis Borloo a décidé « en son âme et conscience » que toutes les conditions n'étaient pas remplies pour qu'il se présente et qu'une « candidature de témoignage », qui n’avait aucune chance d’aller au deuxième tour, ne valait pas la peine.

Quel avenir pour l’Alliance ?

Jean-Louis Borloo a pris une décision personnelle mais elle a des implications sur son parti et ses partenaires de l’Alliance républicaine, écologiste et sociale (ARES). Le Parti radical avait, en effet, demandé à son président de porter ses couleurs lors de l’élection présidentielle, à l’occasion de son dernier congrès. Et le Nouveau centre avait aussi manifesté son désir de voir la famille centriste représentée en 2012 par le meilleur candidat possible.

C’était d’ailleurs le premier objectif de la création de l’ARES : rassembler les centristes pour leur donner plus de poids dans la compétition pour la présidentielle. Le forfait de Jean-Louis Borloo bouleverse toute cette stratégie. Sauf si Hervé Morin, le président du Nouveau centre, qui a toujours manifesté sa volonté d’être le recours en cas de défection de Jean-Louis Borloo, décidait d’y aller. Ce qui semble être une hypothèse vraisemblable puisque, dès l’annonce de la décision de Jean-Louis Borloo, il a réaffirmé que sa détermination à être candidat à la présidentielle n’avait « jamais été aussi forte ».

L’analyse de la situation qui a conduit Jean-Louis Borloo à jeter l’éponge n’est pourtant pas partagée par tout le monde au centre. Notamment concernant le risque de voir le Front national profiter du mécontentement des Français touchés de plein fouet par la crise et écoeurés par la succession des affaires mettant en cause le pouvoir. Jean-Louis Borloo a estimé qu’il ne fallait pas « ajouter de la confusion à la confusion ». Il a donc entendu l’argument de l’UMP sur le risque de 21 avril à l’envers que faisait peser une candidature centriste face à Nicolas Sarkozy.

D’autres estiment, au contraire, qu’en offrant une alternative à l’UMP, on limite le risque Front national, ajoutant que la famille centriste a toujours été présente lors de l'élection présidentielle. Ces désaccords risquent de mettre en péril l’avenir de l’Alliance lancée avant l’été. Le Nouveau centre a d’ailleurs annoncé qu’il allait réunir dans les prochaines semaines un congrès extraordinaire pour prendre une décision sur la candidature à la présidentielle. Quant au Parti radical, il ne se prononcera pas avant début 2012 sur sa stratégie, autrement dit sur le candidat qu’il soutiendra. Chacun pour soi.

Qui en profite ? Bayrou, Sarkozy…

Le forfait de Jean-Louis Borloo bouleverse donc incontestablement la donne politique. Cette situation nouvelle pourrait bénéficier à François Bayrou, en lui dégageant un peu plus la voix vers la présidentielle. Le « troisième homme » de 2007 n’est pas encore officiellement candidat. Mais il a toujours manifesté son désir de retenter sa chance en 2012. Lors de l’université de rentrée du Mouvement démocrate en septembre, il a d’ailleurs franchi une étape vers la candidature en prononçant un discours de fond très engagé. Jusqu’à présent, il faisait jeu égal avec Jean-Louis Borloo dans les sondages sur les intentions de vote, dominant de plusieurs points Hervé Morin. Il pourrait peut-être rassembler plus largement après la défection de l’ancien ministre de l’Ecologie.

Mais dans un premier temps, celui qui doit se réjouir le plus est bien évidemment Nicolas Sarkozy. Le président de la République était hostile à la candidature de Jean-Louis Borloo, susceptible de lui faire perdre des voix au premier tour de la présidentielle. Le concert de louanges des ténors de l’UMP après l’annonce de la décision du président du Parti radical montre que le soulagement est grand dans le camp présidentiel.

Le « sens des responsabilités » de Jean-Louis Borloo, sa « clairvoyance » ont été salués unanimement par Nadine Morano, Christian Estrosi, Marc-Philippe Daubresse… Pour couper court aux soupçons d’entente avec le président de la République, Jean-Louis Borloo a tenu à préciser dans une lettre ouverte qu’il n’avait rien négocié. Mais on peut tout de même penser qu’il n’a pas renoncé à peser dans la bataille, maintenant qu’il n’est plus affublé de l’image de diviseur de la majorité. Reste que pour le moment, il n’a pas dit clairement s’il soutiendrait Nicolas Sarkozy. Chaque chose en son temps.

Partager :