Le Sénat saisit la justice des cas Benalla, Crase et de trois proches de Macron

Ce jeudi 21 mars au matin, le Sénat a décidé de transmettre à la justice les cas d'Alexandre Benalla, Vincent Crase et Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, pour suspicion de faux témoignage. Le bureau du Sénat a également décidé de transmettre au parquet les déclarations d'autres collaborateurs d'Emmanuel Macron, dont le secrétaire général Alexis Kohler et le général Lionel Lavergne, les sénateurs les soupçonnent d'avoir dissimulé la vérité lors de leurs auditions à la Chambre haute.

La saisine du parquet concernant les deux principaux protagonistes de l'affaire, à savoir Alexandre Benalla et Vincent Crase, ce gendarme réserviste proche du parti présidentiel semble avoir fait l'unanimité lors de ce vote du bureau du Sénat, vote à huis clos et à main levée. Les sénateurs considérant que l'ancien chargé de mission Alexandre Benalla avait notamment menti sur les motifs de sa demande de permis de port d'arme et sur la restitution de ses passeports diplomatiques...

Pour les trois collaborateurs, il s'agit d'une décision plus politique

Mais, en revanche, la mise en cause d'Alexis Kholer, secrétaire général de l'Elysée, de Patrick Strzoda, directeur de cabinet, et de Lionel Lavergne, chef du groupe de sécurité de la présidence, revêt un caractère plus politique. Ce sont les plus proches collaborateurs du président Emmanuel Macron qui sont ainsi visés...

Le bureau du Sénat a visiblement suivi la position de la commission d'enquête sénatoriale qui estimait qu'il y avait une distorsion entre les déclarations lors des auditions de ces trois hauts fonctionnaires et la réalité.

Les centristes, membres du bureau du Sénat, ne voulaient pas les renvoyer devant la justice, estimant les preuves contre les trois hommes trop légères. Cela reviendrait à instrumentaliser le Sénat pour régler des comptes avec Emmanuel Macron, expliquaient certains.

A l'inverse, les républicains et les socialistes voulaient que le Sénat joue son rôle jusqu'au bout, après avoir mené des auditions pendant des semaines. Ils ont donc obtenu gain de cause, même si le détail du vote n'est pas encore connu.

Un délit passible de cinq ans de prison

C'est désormais au parquet de Paris de dire si ces considérations sont fondées en droit. Si c'est le cas, le délit de faux témoignage est passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Dans le cas contraire, le bureau du Sénat essuirait alors un véritable camouflet.

Rappelons qu'Alexandre Benalla a été licencié de l'Élysée en juillet 2018 après la diffusion de vidéos le montrant, casqué, en train de violenter des manifestants en marge des manifestations du 1er-Mai à Paris, alors qu'il était « observateur » parmi les policiers.

Vincent Crase, réserviste de la gendarmerie et ancien salarié de La République en marche, se trouvait à ses côtés.

Cet épisode n'a toutefois constitué que « la partie émergée d'un iceberg », a considéré Philippe Bas, le président de la commission d'enquête, pour qui les agissements d'Alexandre Benalla ont « affecté » la sécurité du président Emmanuel Macron.

A (re)lire : Affaire Benalla: les sénateurs pointent des « dysfonctionnements majeurs »

Boycott du Sénat par le Premier ministre

Conséquence de cette affaire, Edouard Philippe a refusé de se rendre au palais du Luxembourg pour la traditionnelle séance de questions d'actualité au Sénat ce jeudi 21 mars. Mais d'autres membres du gouvernement ont fait le déplacement, et notamment le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui ne cache pas son énervement.

« Il y a une institution qu’on respecte, qui est le Sénat, dont on est en droit d’attendre qu’elle respecte un minimum le gouvernement. Certains ont fait le choix de faire de la politique de bas niveau. Je ne sais pas s’il y a un affaiblissement mais le Sénat ne sort pas renforcé », a lancé le porte-parole du gouvernement.

Un coup de colère et un boycott extrêmement rare dans l'histoire de la Ve République, que ne comprend pas le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur, co-rapporteur de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla. Il réfute toute manœuvre politicienne : « Le Sénat n’a fait que son travail. Il n’a fait que ce qui est prévu par la Constitution. Pour le coup, c’est une atteinte à la séparation des pouvoirs, respecter l’indépendance du Parlement ».

De son côté, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a pour sa part décidé de ne pas assister à une conférence commune prévue avec son homologue LR du Sénat, Gérard Larcher. Pour la sénatrice de gauche Marie-Noëlle Lienemann, cette attitude est inadmissible.

L'ambiance est donc de plus en plus tendue entre le Sénat et l'exécutif, alors que la réforme des institutions devrait revenir sur le devant de la scène avec la fin du grand débat. C'est ce qui inquiète Hervé Marseille, qui appelle tout le monde au calme.

« Si on veut une réforme institutionnelle, il faut que le président de la République travaille avec les chambres du Parlement. Qu’il y ait de la mauvaise humeur, c’est humain et maintenant, il faut dépasser tout ça parce que ce sont des petits problèmes, et la France attend des solutions à de grands problèmes », tempère le sénateur centriste.

Emmanuel Macron et le président du Sénat, Gérard Larcher vont de toute façon devoir trouver un terrain d'entente, parce que la réforme des institutions nécessite une révision constitutionnelle et donc l'accord de la chambre haute.

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