avec notre envoyée spéciale au Vatican, Valérie Gas et notre correspondant, Eric Sénanque
Emmanuel Macron est arrivé au Vatican un peu avant 10h30 ce matin. Son cortège est entré dans la cour Saint Damase où étaient stationnés des gardes suisses. Le président de la République est sorti d’une berline Mazerrati, accompagné de son épouse Brigitte et du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb ainsi que de celui des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
57 minutes d'entretien
Le premier contact avec le pape François a eu lieu dans la salle du tronetto, du petit trône, antichambre de la bibliothèque privée du Saint-Père où a eu lieu l’entretien. Emmanuel Macron est arrivé très souriant. Le pape a d’abord affiché un visage sérieux en le saluant avant de sourire lui aussi. Et les deux hommes se sont ensuite installés l’un en face de l’autre autour d’un bureau. Seul un interprète est resté auprès d’eux durant l’audience. Ce premier contact est toujours l’objet d’une attention particulière, le visage du pape étant un indicateur de l’état d’esprit du souverain pontife.
L’entretien a duré 57 minutes, une durée inhabituelle et un indicateur de l’intérêt de l’échange entre les deux hommes, selon les observateurs. Avec Donald Trump, l’audience n’avait duré que 29 minutes, 45 avec François Hollande, 52 avec Barack Obama...
Les deux dirigeants ont évoqué notamment les questions liées à la bioéthique, à l’Europe, aux migrations. Sur chacun de ces sujets, Emmanuel Macron a exposé ses questionnements. D’après le chef de l’Etat, le dialogue a été plutôt d’ordre philosophique sur les principes et les valeurs. Mais le président français a également exposé au pape les contraintes auxquelles il était confronté en tant que gouvernant. Des contraintes que le pape a comprises. Emmanuel Macron a par la suite estimé que leur dialogue était empreint de beaucoup d’humilité, que le pape François ne donnait pas de leçon, qu’il ne cherchait pas le rapport de force.
Après cet entretien, les membres de la délégation d’Emmanuel Macron ont été présentés au pape et ils ont échangé des cadeaux. Le président français a offert au Saint-Père une édition en italien du Journal d’un curé de campagne de Georges Bernanos en expliquant qu’il aimait beaucoup ce livre. Le souverain pontife a lui offert un médaillon en bronze représentant Saint Martin qui divise son manteau en deux et l’offre à un pauvre et a expliqué à Emmanuel Macron que « la vocation des gouvernants était de protéger les pauvres ».
Mais c'est surtout la fin de cette entrevue qui a été assez inédite. Emmanuel Macron et le pape François sont apparus très proches, se donnant l’accolade et s'embrassant même. Un adieu chaleureux qui laisse penser qu’une complicité s’est établie entre les deux hommes.
Macron défend sa vision de la laïcité
Emmanuel Macron s’est ensuite rendu à la basilique Saint-Jean-de-Latran pour prendre possession de son titre de chanoine honoraire, une tradition qui remonte à Henri IV. La cérémonie d’environ une demi-heure a été ponctuée de chants et de prières. Le chef de l’Etat français a exprimé ses remerciements lors d’une brève allocution, mais n’a pas prononcé de discours.
Emmanuel Macron a justifié son choix de participer à cette célébration par la volonté d’approfondir la relation d’amitié, de compréhension, de confiance avec le Vatican et le lien historique qui existe entre l’Etat français et le Saint-Siège. Un choix, estime-t-il, qui n’est pas en contradiction avec le principe de laïcité.
Le président est revenu sur cette question de la laïcité dans une allocution prononcée devant la communauté française de Rome. Il a expliqué en avoir discuté avec le pape François lors de leur entretien et qu’il s’agissait pour lui d’une loi de liberté, celle de croire ou de ne pas croire. La laïcité ne doit pas être « une pudibonderie contemporaine qui dirait ‘cachez-moi cette religion que je ne saurais voir’ », a affirmé Emmanuel Macron.
La question migratoire au cœur de la visite
Plus tôt ce matin, le président français avait petit-déjeuné avec la communauté de Sant'Egidio, surnommée parfois « l’ONU du Trastevere », du nom du quartier romain où elle a son siège. Une organisation qui oeuvre depuis des années pour trouver des solutions pacifiques à des conflits dans de nombreux pays africains : Casamance, Soudan du Sud, Centrafrique...
Avec Emmanuel Macron, les responsables de cette communauté de laïcs catholiques, très écoutés en Italie, ont particulièrement abordé la question du développement de l’Afrique, notamment pour que les jeunes Africains puissent y avoir un avenir.
Mais, actualité oblige, la question des réfugiés s’est aussi invitée au palais Farnèse ce mardi matin, en particulier celle des couloirs humanitaires mis en place par Sant'Egidio, y compris en France, depuis mars 2017. « Nous avons remercié le président Macron parce que la France a ouvert un couloir humanitaire depuis la Syrie, explique Andrea Riccardi, fondateur de la communauté. Il y avait aussi le ministre de l’Intérieur Gérard Colomb et lui aussi travaille sur le sujet. Les couloirs humanitaires sont une réponse à l’urgence, mais sont aussi un modèle d’accès sûr et légal à l’Europe ».
Le chef de l’Etat français a également profité de son passage à Rome pour rencontrer Giuseppe Conte lors d’un dîner privé dans un restaurant de la capitale lundi soir. Ce repas sollicité par le président du Conseil italien à deux jours d’un sommet européen particulièrement sensible montre que le dialogue n’est pas rompu entre les deux pays malgré les déclarations des uns et des autres.
Emmanuel Macron n’a pas abordé le fond de cette rencontre, se contentant d’affirmer que l’Europe faisait face à une crise politique au sujet des migrations et non pas une crise migratoire. Une manière de plaider pour une solution européenne et non un repli national.
► à (ré)écouter: Le président Emmanuel Macron au Vatican