Il s'agit d'un mouvement unitaire et conçu tout spécialement pour durer. Les grèves commenceront le 3 avril, lendemain du week-end de Pâques, manière d'adresser un signal positif aux usagers qui prévoient de partir en week-end. C'est ensuite que cela se complique dans tous les sens du terme : les syndicats annoncent une grève reconductible à raison de deux jours tous les cinq jours.
C'est du jamais vu, « une grève innovante », disent les représentants de l'interfédérale, à la fois pour préserver les voyageurs et pour permettre aux cheminots de faire durer la lutte sans trop souffrir financièrement. Cette grève reconductible est censée durer trois mois, et cela en fonction de l'avancée des discussions qui auront lieu avec le gouvernement.
Des précisions seront apportées le 21 mars après une nouvelle réunion qui se tiendra à la veille d'une grande manifestation nationale à Paris. Une manifestation qui devrait, selon les syndicats, mobiliser beaucoup de cheminots.
Coup d'envoi pour la bataille de l'opinion
L'un des objectifs des syndicats est de gagner la bataille de l'opinion. Pour qu'une grève dure, elle faut certes qu'elle soit dure pour les usagers des trains, mais qu'elle ne donne pas l'impression qu'ils en sont les seules victimes. A l'heure des réseaux sociaux, le retour de bâton peut être violent. En témoignent déjà certaines réactions indignées des internautes, qui parlent de grève « scandaleuse », de cheminots « feignasses », etc.
Avant l'annonce de jeudi soir, les sondages montraient d'ailleurs que les Français sont plutôt favorables à la réforme. Les dirigeants des syndicats en sont conscients, et vont donc saupoudrer les annulations de trains pour que chacun puisse planifier ses déplacements. Les adhérents de SUD Rail néanmoins pourraient faire bande à part et faire grève tous les jours.
« Incompréhensible » pour le gouvernement
Estimant la grève « un peu décalée par rapport à la concertation qui est engagée » avec le gouvernement, le patron de la SNCF Guillaume Pepy a assuré au journal télévisé du soir de TF1 que c'était « une mauvaise nouvelle, une mauvaise chose pour les 4,5 millions de Français qui prennent le train tous les jours ».
De son côté, la ministre des Transports Elisabeth Borne a déploré sur BFMTV une « décision qui manifestement vise à pénaliser les usagers », la jugeant « incompréhensible ». Elle se prépare au conflit le plus long dans l'histoire récente du groupe. Fin 1986, sous la cohabitation Mitterrand-Chirac, ce furent quatre semaines de grève. Emmanuel Macron n'était pas là, mais la direction parlait déjà de modernisation des chemins de fer français.
L'intersyndicale rejette donc le dialogue, alors que le président de la SNCF, Guillaume Pepy, avait remis ce jeudi son « programme de travail » à la ministre des Transports Elisabeth Borne. Le programme prévoyait un « pacte d'entreprise ». Le texte prévoit notamment « l'arrêt des recrutements au statut (de cheminot) des nouveaux agents », considéré comme une ligne rouge à ne pas franchir pour les syndicats.
Pour Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-cheminots, le conflit sera long et intensif, d'où les nouvelles modalités de grève, à compter du 3 avril.