Cette refondation du modèle ferroviaire français s’annonce comme un véritable « big bang ». Mercredi 14 mars, le projet de loi d'habilitation qui permet de faire passer la réforme par ordonnances a été présenté en Conseil des ministres.
La direction de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a ensuite transmis ce jeudi une feuille de route à la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Une ministre bien décidée à ouvrir le marché à la concurrence plus tôt que prévu - il doit l'être au plus tard en 2023.
D'ici trois ans, d'autres entreprises privées pourront transporter les voyageurs. C'est la fin du monopole. La feuille de route que Guillaume Pepy, le président du directoire de l'entreprise, vient de transmettre à la ministre, est une méthode de travail censée définir ce que devra être la SNCF dans ce cadre.
A savoir une entreprise moderne, disposant d’un réseau de haute performance, rénové et efficace. Mais aussi une entreprise qui accompagne ses salariés dans leur parcours, et reste attractive pour ses futurs embauchés.
Les TER (Transport express régional) pourraient s'ouvrir les premiers. Les textes européens obligent les régions à passer des appels d'offres avant 2023, mais le sud, le nord et l'est de la France se disent prêts à sauter le pas dès 2019.
Le gouvernement pourrait repousser cette échéance pour les régions les plus réticentes, qui continueraient à confier leurs trains à la SNCF jusqu'en 2023.
Une manifestation prévue le 22 mars
Quant au TGV (Train grande vitesse), les concurrents de l'opérateur français auront le droit de lancer les leurs en France un an après les TER, dès 2020.
Après cette date, la SNCF continuera à proposer ses services, mais de nouvelles entreprises viendront aussi proposer leurs offres. Objectif de la ministre : offrir plus de choix et plus de TGV aux voyageurs.
Il s’agit donc de donner un cadre à la SNCF pour qu’elle puisse fonctionner dans un monde ouvert à la concurrence, comme le souligne la ministre des Transports. En somme, lui enlever des carcans.
Bruxelles appelle d'ailleurs la France à transformer la SNCF en société anonyme, pour ne plus qu'elle bénéficie des subventions de l'Etat. L'idée, c'est également de supprimer progressivement le statut des cheminots.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a promis de réformer la SNCF sans toucher à son caractère public. On passerait d'un établissement public industriel et commercial (Epic) à une société anonyme à capitaux publics.
Mais les syndicats de cheminots n'y croient pas. Pour les syndicats, c'est une remise en cause du service public. Ils préparent la riposte et ont d'ores et déjà appelé à manifester le 22 mars prochain avec les fonctionnaires.
Supprimer le statut au fil des départs
L’intersyndicale se réunit ce jeudi 15 mars 2018 dans la soirée et décidera de la suite du mouvement. Les cheminots sont inquiets de perdre leur statut. Plusieurs syndicats, comme la CGT, Sud-Rail et l'Unsa, dénoncent une régression sociale.
Créé pour compenser des conditions de travail difficiles, le statut très avantageux des cheminots leur offre la garantie de l’emploi et un régime spécial de retraite. Mais aussi des règles spécifiques en matière de salaire, de déroulement de carrière et de temps de repos.
L'idée du gouvernement, c'est de supprimer ce statut au fil des départs en retraite. Résultat, les nouveaux arrivants seraient embauchés sous forme d'emplois contractuels, en CDI et CDD, quand les autres garderaient leur statut.
Pour briser le conflit social qui s'annonce, le gouvernement ne va pas s'attaquer tout de suite au régime spécial des retraites. Ce sera intégré à la réforme globale des retraites, sur laquelle travaille le gouvernement pour la fin de l'année.
Pour l'équipe Macron-Philippe, l'ouverture à la concurrence va entraîner une baisse des prix pour les consommateurs. De leur côté, les syndicats redoutent une explosion des tarifs, citant notamment l'exemple des prix de l'énergie, qui ont bondi.
La ministre campe sur ses positions. Une éventuelle grève, si elle devait se décider ce jeudi soir, irait à l’encontre des intérêts de la SNCF. Il y a du grain à moudre, admet Elisabeth Borne, qui se dit ouverte à la concertation.
Pour l'instant, le gouvernement a l'opinion avec lui. D'après les sondages, les Français seraient prêts à accepter la réforme et ne soutiendraient pas une grève de longue durée.