La quatorzième chambre du tribunal correctionnel de Paris avait des faux airs d'école communale ce mardi après-midi. Sur le banc des prévenus, huit militants libertaires, huit élèves agités qui terminent une part de pizza, feuillètent un livre ou encore prennent en photo la tribune des journalistes avant de lever la main à l'appel de leur nom.
Pull marin, coupe sage et petites lunettes rondes, Julien Coupat lève les yeux au ciel en écoutant la présidente. Celui que le ministère public soupçonnait autrefois d'être le chef d'une cellule terroriste invisible comparaît pour des faits de dégradation d'une ligne TGV.
« Un fiasco judiciaire », selon la défense
L'air serein, presque désinvolte, ce dernier conteste le fait que les policiers refusent de témoigner à visage découvert. « L'anonymat, dit-il, cela nous rappelle de mauvais souvenirs ». Une allusion àl'un des principaux éléments de l'accusation sur les précédents procès. Le témoin T42 est ensuite revenu sur sa déposition.
La défense qui veut faire de ce procès « celui d'un fiasco judiciaire » égrène ensuite la liste des témoins qu'elle souhaiterait voir s'exprimer à la barre dont de très hauts responsables de l'institution politique et judiciaire, notamment la ministre de la Justice à l'époque des faits, Michèle Alliot-Marie. Cela ne pourra pas se produire dans ce tribunal, a fait savoir la présidente, soulevant des « oh ! » et des « ah ! » de désapprobation dans l'assistance, avant de reprendre l'un des prévenus qui était en train de manger une barre de chocolat. « Est-ce indispensable, demande la magistrate, d'amener votre goûter à l'audience ? »
Le tribunal se rendra sur les lieux
La défense, décidément très active, est venue dénoncer ce qu'elle considère comme les dérives d'une enquête sous influence politique. Les soutiens des prévenus ne sont pas les seuls à donner de la voix en ce premier jour d'audience. Dix ans qu'on avait pas entendu les militants anti-système de Tarnac bien décidés à faire de ce procès celui de la politique antiterroriste française.
« C'est plus le procès de méthodes qui ont été appliquées. C'est aussi le procès de personnes jusqu'alors limitées dans leurs capacités à se défendre », insinue maître Tymoczko, l'un des avocats de la défense.
Les jambes qui frétillent, le doigt qui se lève pour intervenir, Julien Coupat pointe les incohérences d'un procès verbal qualifié de faux par la défense. Les tubes qui auraient servi de perche pour saboter les lignes du TGV sont comparés à des skis que l'on rentre dans une voiture sans galerie. Dans leur filature, les policiers se seraient trompés dans les noms de rues, ils auraient confondu leur droite et leur gauche ; « c'est un château de cartes votre procédure » lance alors la défense, regrettant que ces mêmes agents ne soient pas amenés à comparaitre à visage découvert au cours du procès. « Si vous avez un vrai bonhomme à la barre et que vous lui dites "comment est-ce que tu as pu signer un PV à ton bureau tout en prétendant faire une filature à 120 km de là"?, voir sa réaction, c'est intéressant. S'il est derrière un rideau, visage flouté, la voix qui fait [imitation de babillages], ce sera un art », dit Mathieu Burnel, l'un des prévenus.
En attendant les futures comparutions de policiers, les chants reprennent derrière les portes capitonnées de la salle des criées du tribunal. Face à une défense intarrissable, la présidente ironise sur la bonne forme des prévenus. Il faut maintenant tenir trois semaines, dit-elle.
Chose rare dans une affaire en correctionnel, à la demande de la défense, le tribunal a accepté de se déplacer sur les lieux du sabotage de la ligne SNCF. Ce sera le 23 mars prochain en Seine-et-Marne.