Un foulard sur la tête, les yeux embués de larmes, Latifa Ibn Ziaten s'avance vers la barre. C'est la mère d'Imad Ibn Ziaten, le premier militaire assassiné par Mohamed Merah. Elle a voulu dire au frère du terroriste tout le mal qu'il lui a fait : « Regarde ce que j'ai donné à la société : une famille digne, bien élevée, bien éduquée. Il a fallu que quelqu'un gâche ce bonheur et cette réussite avec mes enfants. Aujourd'hui, on vit, mais on vit difficilement. Ce que je garde d'Imad avec moi, c'est toujours son béret. »
Aujourd'hui, comme beaucoup de familles, elle veut opposer l'amour à la haine. Musulmane, elle ne reconnaît pas la religion des frères Merah. « La vengeance, la colère, n'apportera rien. Je pense qu'Abdelkader Merah, chaque moment, chaque jour où il se retrouve seul, il doit voir le mal qu'il a fait. Mais il ne vit pas sur la même planète que nous, cette homme-là », juge-t-elle.
Comme Latifa Ibn Ziaten, Samuel Sandler, père de Jonathan et grand-père d'Arié et Gabriel, tous les trois assassinés par le jeune meurtrier, a tenu à s'exprimer ce mercredi. « Ce que je voulais dire, confiait ce dernier à la sortie, c’est qu'une partie de ma famille a été déportée. Et je me suis dit au fond de moi-même : maintenant, on est en France, plus jamais on n’assassinera un enfant français ou des enfants français parce qu’ils sont de religion juive. Jusqu’à ce jour de mars 2012... »
« Je me suis souvenu d’une phrase d’André Malraux pendant la Seconde Guerre mondiale, explique Samuel Sandler. "C’est la première fois que les hommes donnent des leçons à l’enfer." Cette journée du 19 mars était pire que l’enfer. » « D’ailleurs, les nazis ont toujours caché leurs crimes. Lui, l’assassin, il en était fier, il a filmé, il a fait un montage ! J’ai entendu dire aussi, par plusieurs témoins, qu’il avait un maître à penser - autrement dit, un maître à tuer - et que c’était le frère qui était actuellement ici. Pour moi, ce n’est rien d’autre qu’un petit Eichmann de banlieue. »
Toute la journée, des dizaines de parties civiles se sont ainsi succédé à la barre. Abdelkader Merah, lui, les bras croisés derrière les vitres du box des accusés, n'a rien laissé paraître.
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