Deux témoignages ont permis cette semaine de préciser le rôle tenu par Abdelkader Merah dans les tueries de Montauban et Toulouse : celui de la mère de la fratrie Merah, et celui, jeudi, de l'ancien patron du renseignement intérieur. En 2012, juste après les faits, Bernard Squarcini avait déclaré que les actes de Mohamed Merah étaient ceux d'un « loup solitaire ». Des propos qui ne servent pas l'accusation, puisque par définition un loup solitaire agit seul, et Abdelkader Merah n'aurait donc eu aucun rôle dans les tueries perpétrées par son frère.
Bernard Squarcini n’a cependant pas tenu le même discours ce jeudi. Pour lui, l'expression « loup solitaire » avait tout simplement été mal comprise à l'époque. Par cela, il voulait simplement dire que « l'intéressé a agi seul pour protéger son environnement et continuer le plus longtemps possible ses actions ». Aujourd'hui, Bernard Squarcini reconnaît volontiers le rôle qu'a pu jouer Abdelkader Merah dans l'endoctrinement de son frère, sur lequel il avait beaucoup d'influence. Pour lui, le « loup solitaire » n’était donc pas seul.
A ce titre, l’audition de la mère de la fratrie,Zoulikha A. a été particulièrement éprouvante. Elle a duré trois heures durant lesquelles il fallait répondre à une question. Quelques jours avant le meurtre, Imad Ibn Ziaten, la première victime de Mohammed Merah, deux connexions provenant du domicile de Zoulikha A. consultent sur un site internet une petite annonce publiée par ce militaire pour la vente d'une voiture. C'est à l'occasion de cette vente qu'il a été abattu. La question est donc de savoir qui a consulté cette annonce alors que Zoulikha A. ne sait pas se servir d'un ordinateur. Etait-ce Mohamed Merah ou son frère Abdelkader ?
Interrogée, Zoulika A. s'est enfermée dans ses mensonges. Elle affirme qu'elle était seule ce jour-là, que c'est Mohamed qui s'est connecté à distance : des informations contredites par les experts. En somme, il apparaît qu’elle charge son fils mort pour protéger celui qui se trouve dans le box des accusés. Ces mensonges, les parties civiles ne les ont pas supportés. Le frère d'Imad Ibn Ziaten s'est écroulé, en larmes. Il hurle : « vous êtes une merde, un assassin, taisez-vous, respectez-nous ! », avant d’être évacué de la cour d’assises spéciale du tribunal de Paris dans la cohue.
Eric Dupond-Moretti, l'avocat d’Abdelkader Merah répond en citant Albert Camus : « Entre la justice et son fils, elle a choisi son fils ».
Ce vendredi, l'audience s’est poursuivie avec l'interrogatoire d'Abdelkader Merah au sujet de la place de la religion dans sa vie. Le tribunal veut savoir s’il a endoctriné son frère, le poussant à réaliser ses crimes. Pour les parties civiles, en effet, il y a 5 ans, « c'est un monstre à deux têtes qui a tué » : Mohamed Merah n'étant que le bras armé, l'idéologie serait celle d'Abdelkader.
Les questions ont donc gravité autour de sa pratique de l’islam, une pratique qu’il a revendiquée non pas salafiste, mais orthodoxe : « Je ne reconnais aucunement les lois écrites par l'homme, je ne reconnais que les lois légiférées par le créateur Allah », a-t-il expliqué. Le président de la Cour d’assises spéciale le questionne ensuite : « Mohamed Merah a préparé ses actes. Est-il possible qu'il se tourne vers vous pour avoir une confirmation de ce qu'il va faire ? » Nous sommes au cœur des interrogations de ce procès. Réponse de l’intéressé : « Pourquoi voulez-vous qu'il se tourne vers moi alors qu'il connaît beaucoup d'autres personnes qui ont plus de connaissances que moi ? »
Il reste encore deux semaines d'audience pour déterminer si oui ou non Abdelkader Merah a eu un rôle dans les meurtres de son frère.
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