En France, le gouvernement a présenté le 6 mai aux partenaires sociaux la feuille de route et la méthode pour conduire la réforme du code du travail. Il s'agissait pour l'exécutif d'une opération déminage après avoir fait face ce week-end à une polémique autour d'un éventuel projet de loi qui comportait des propositions explosives.
Finalement, le texte proposé par le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud laisse la porte ouverte à la négociation. Le chef du gouvernement s'est dit déterminé mais avec le souci de respecter les organisations syndicales et patronales.
Il a précisé que ce programme de travail était le début d'un processus qui doit aboutir à une loi. Pas moins de 48 réunions avec les partenaires sociaux sont prévues en juin et juillet. Avant une autre série de concertation d'août à septembre. Le Premier ministre Edouard Philippe l'a dit lors de la présentation de la feuille de route : les consultations dureront jusqu'à la fin de l'été comme le souhaitent les syndicats.
Le texte se veut consensuel. Il rappelle par exemple l'importance de la branche et ne donne plus la priorité à l'accord d'entreprise. Tout comme il n'est plus question de plafonner les indemnités prud'hommales mais de prévoir des barêmes pour les dommages et intérêts. Ces deux points constituaient la ligne rouge.
Un sujet sensible : le contrat de travail
Le patronat est également servi : le document prévoit la simplification du compte pénibilité, une revendication qui lui est chère. En revanche, rien sur le contrat de travail, sujet trop sensible sans doute. Les salariés devront attendre pour connaitre les futures règles régissant les licenciements et les embauches.
Pour le gouvernement, la réforme du Code du travail doit être lancée au plus vite pour adapter le modèle social français. « Notre droit du travail a une longue histoire mais il s'est construit dans un contexte où les relations de travail ont été pensées dans un contexte où toutes les entreprises étaient des grands goupes industriels. Il est marqué par ce modèle », explique Muriel Pénicaud.
« Les fondations sont solides et nous n'y toucherons pas, poursuit la ministre du Travail. Mais nous devons prendre en compte que l'économie a bougé, l'économie française a évolué, notre tissu entrepreneurial a profondément changé et les attentes des salariés ne sont plus les mêmes qu'il y a vingt ou trente ans ».
Le précédent de la loi Travail
L'exécutif s'est tout de même dit déterminé à mener la réforme jusqu'au bout. Grâce au recours aux ordonnances, comme annoncé déjà par le candidat Emmanuel Macron avant la présidentielle. Dès le 28 juin, un projet de loi d'habilitation qui permet au gouvernement de réformer le Code du travail par ordonnances sera examiné en conseil des ministres.
Le texte de ces ordonnances sera connu avant le 21 septembre et l'issue des consultations. Mais pour ne pas raviver les tensions sociales comme lors de la loi Travail menée par le gouvernement précédent, une plus grande place sera laissée à la concertation.
« Les organisations syndicales et patronales sont des partenaires, abonde Edouard Philippe. Toutes seront entendues, respectées et écoutées. En tant que Premier ministre, je veillerai à ce que chacun puisse apporter sa contribution à la concertation très intense qui va s'ouvrir. Je crois à la négociation et à la discussion, qui passent obligatoirement par le respect dû à ses interlocuteurs. Je m'engage à ce que cet esprit soit respecté ».
Peu de réactions du coté des syndicats qui prennent acte, avec pour certains le sentiment d'avoir été entendus. Ils ne contestent pas le rythme soutenu et attendent de voir. A quelques jours des législatives, les partis de gauche dénoncent quant à eux une réforme menée au pas de charge.
Le gouvernement veut par la suite ouvrir d'autres chantiers, comme celui de l'assurance-chômage, l'apprentissage, la formation professionnelle, la refonte des instances représentatives et le dossier des retraites. Il se donne 18 mois pour finaliser sa réforme.
« Coup d'Etat social »
Quelques heures après la présentation de la réforme du Code du travail par le Premier ministre, le chef de la France insoumise, ex-candidat à la présidentielle et candidat aux législatives à Marseille, a dénoncé un « coup d'Etat social ». Jean-Luc Mélenchon s'oppose au projet à la fois sur le fond (donner plus de marge à la négociation d'entreprises) et sur la forme (recourir aux ordonnances et non pas à un débat parlementaire classique). Il met en garde contre une Assemblée hégémonique et se pose « en seule force d'opposition » face à Emmanuel Macron.
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, a lui qualifié de « poudres de perlimpinpin » les annonces du gouvernement. « Je ne comprends pas, ou je comprends très bien pourquoi le gouvernement cache ses intentions : il sait que ce qu'il va annoncer ne va pas faire plaisir », a-t-il affirmé sur BFMTV.
Marine Le Pen a elle demandé au gouvernement de dévoiler « précisément ses projets d'ordonnance » avant l'élection pour que les Français sachent à quelle « sauce » la « future loi Travail souhaite les manger ».
Du côté des partenaires sociaux, le projet a reçu un accueil très prudent. Laurent Berger de la CFDT l'a jugé « très général et assez peu précis » en relevant des manquements sur la « sécurisation des parcours professionnels ».
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a promis « des mobilisations » contre la réforme du code du travail, estimant sur Cnews que les salariés seraient les « grands perdants » de cette loi.
Pour Pascal Pavageau, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), le texte présenté par l'exécutif ne contient rien de choquant.
De leur côté, les organisations patronales ont accueilli plutôt favorablement le programme de réforme du travail engagée par le gouvernement.