Affaire Fillon: l’enquête confiée à des juges d’instruction

Le parquet national financier (PNF) a ouvert, vendredi 24 février, une information judiciaire dans l'enquête sur les emplois présumés fictifs dont auraient bénéficié la femme de François Fillon et deux des enfants du couple.

Le parquet national financier a annoncé dans un communiqué l’ouverture d’une information judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel de ces délits, trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique ».

Le PNF n'a pas traîné pour ouvrir cette information judiciaire. Car depuis le début des investigations le 25 janvier dernier, un changement législatif est intervenu : l'Assemblée nationale a voté il y a quelques jours une loi rendant impossible les poursuites judiciaires au-delà d’un délai de douze ans pour une bonne partie des délits financiers.

Or, une partie des faits concernés est ancienne. La procureure Eliane Houlette était donc sous pression pour que le dossier Fillon ne soit pas amputé. Elle se devait d'ouvrir cette information judiciaire avant que les décrets d'application de la nouvelle loi ne soient signés. Il n'y a donc plus d'obstacle juridique à l'enquête des juges désormais.

Le début d'une longue enquête

Trois juges d'instruction devraient être co-saisis, dès lundi, pour reprendre le dossier là où l'a laissé le PNF. Ils décideront d’éventuels placements sous le statut de témoin assisté, voire de mises en examen. Ils vont s’intéresser aux trois aspects de l’affaire Fillon : le travail de Penelope Fillon à l’Assemblée nationale et à la Revue des deux mondes, et celui des enfants du couple au Sénat.

Une enquête longue va démarrer et elle ira très certainement bien au-delà de la présidentielle, compte tenu des convocations et des recours possibles. De surcroît, ayant désormais accès au dossier, la défense de François Fillon ne manquera pas d'user de tous les moyens à sa disposition pour ralentir voire saper cette instruction judiciaire.

En attendant, les avocats des époux Fillon n'ont pas attendu pour déclarer que l'innocence de leurs clients va pouvoir être « enfin reconnue » par « des juges indépendants ». Sous-entendu : le PNF ne l'était pas. A leurs yeux, en ouvrant une information judiciaire, « le PNF confirme qu'il n'a pas pu démontrer la réalité des infractions poursuivies », estiment les avocats de M. et Mme Fillon par communiqué.

Une opération déstabilisation ?

Dans l’entourage de François Fillon, on parle d’une opération de déstabilisation. « A 60 jours du premier tour de la présidentielle, vous vous rendez compte ? », s’énerve un membre de sa garde rapprochée. Mais alors que la décision du parquet national financier intervient la veille du début officiel du dépôt des parrainages des candidats, un très proche du candidat se dit plutôt soulagé par la décision du PNF.

« Dans la plupart des cas, avance-t-il, les dossiers débouchent sur un renvoi en correctionnelle. Or, dans cette affaire, s’ils ont confié ça à des juges, c’est bien parce qu’ils n’ont pas pu démontrer la réalité des faits. » Cette décision aurait donc tendance selon lui à conforter l'ancien Premier ministre. C'est sans doute aller un peu vite en besogne. Car le PNF a exclu la semaine dernière de classer le dossier sans suite.

Le fait de confier le dossier à des juges risque d'entretenir un lent poison, celui du doute quant à l'intégrité du candidat Les Républicains, qui avait fait de sa probité un argument de campagne lors de la primaire de son camp - un argument mis en avant notamment contre Nicolas Sarkozy. Une information judiciaire, élargie à un possible trafic d’influence, cela fait en effet pour le moins mauvais genre.

François Fillon se veut stoïque

En meeting ce vendredi soir à Maisons-Alfort (région parisienne), François Fillon n’a pas réagi à l’ouverture de cette information judiciaire. Si l'entourage de l'ancien chef du gouvernement ne croit pas à une mise en examen, le risque, réel, c'est que ce nouvel épisode du feuilleton judiciaire continue d’écorner l'image du candidat, que François Fillon traîne cette affaire comme un boulet tout au long des deux prochains mois, au point d’en redevenir totalement inaudible.

Depuis une dizaine de jours, le candidat de la droite martèle sa détermination à poursuivre l’aventure coûte que coûte. Sous-entendu : même s’il est mis en examen. Un revirement total par rapport à son engagement pris sur le plateau de TF1 au lendemain des premières révélations, lorsqu'il avait annoncé qu'il se retirerait s'il était mis en examen.

D’après François Fillon, l'enquête serait faite uniquement à charge. L'ex-Premier ministre préfère donc désormais s’en remettre « au jugement du seul suffrage universel ». Et pour bien montrer sa détermination, il se murmure qu'il pourrait déposer dès ce samedi l’ensemble de ses parrainages au Conseil constitutionnel. Histoire d’empêcher la résurgence d’une fronde à l’intérieur de son camp, et le retour des « plans B » qui ont récemment pollué sa campagne.

→ (RE)LIRE :Affaires Fillon: un drame politico-médiatique en cinq actes

Partager :