Cédric Herrou est poursuivi pour avoir transformé un ancien camp de vacances de la SNCF en hébergement d'urgence de migrants. La compagnie ferroviaire a porté plainte. Le parquet, qui lui reproche une stratégie militante et un détournement de la loi de décembre 2012 accordant l'immunité pénale à ceux qui apportent une aide humanitaire et désintéressée aux migrants, a requis huit mois de prison avec sursis.
La cour de justice de Nice rendra sa décision à 8h30 ce matin.
En attendant, dans sa petite maison perchée à flanc de colline, deux jeunes Soudanais cuisinent des oeufs au plat. Cédric Herrou lui prend l'air sur la terrasse, un café à la main. Epuisé, mais confiant. « Je dors trois heures par nuit depuis bientôt un an, confie-t-il calmement. Quand on a confiance dans ce qu'on fait, il peut y avoir n'importe qui, n'importe quoi en face, si on a l'appui de gens, on reste serein. »
Avec la préparation du procès, l'aide aux migrants, et son travail, les journées semblent bien courtes à ce jeune agriculteur, qui sonne aujourd'hui la contre-attaque :
« Chaque fois qu'on va trouver des gamins avec des procédures illégales de renvoi, ou des adultes, on va attaquer l'Etat. On est en train de monter un réseau d'avocats entre l'Italie et la France. C'est interdit de ramener des mineurs isolés en Italie, et ils le font avec de l'argent public. C'est fou, c'est vraiment un racisme d'Etat, et je veux vraiment me battre. »
Et la problématique migratoire reste entière. Ici, trois personnes sont déjà logées dans des caravanes au fond du jardin quand se présente Catherine Gros, membre de l'association Roya citoyenne. Avec elle, trois hommes, assez jeunes et l'air harassé.
« Il y en a deux d'Erythrée et un du Darfour. Il y a quelqu'un qui les a trouvés sur la route, quelqu'un d'autre les a hébergés, moi je les amène là. C'est un peu une chaîne. A force on est obligé de s'organiser », explique-t-elle.
Une solidarité qui devrait également fonctionner à plein pour accompagner Cedric Herrou au palais de justice. Une mobilisation de soutien autour du palais est prévue toute la journée.
Quelques mobilisations en France
Des rassemblements, il y en a eu d'autres dans plusieurs villes françaises, à Lille le 8 février, à Paris le 9 février, à Nice donc, ce 10 février. A Paris, place de la République, une centaine de personnes a manifesté son soutien à Cédric Herrou et à tous ceux qui viennent en aide au réfugiés.
« Un exilé un jour m’a dit : "si je suis venu ici, c’est parce que c'est le pays des droits de l’homme. Mais vous n’êtes pas le pays des droits de l’homme" », lance une manifestante. Ils sont plusieurs dizaines à prendre la parole, place de la République, pour montrer leur solidarité avec les migrants et avec ceux qui sont poursuivis pour les avoir aidés.
Le procès de Cédric Herrou est bien sûr dans tous les esprits. Pour Patrick Henriot, membre du syndicat de la magistrature, cette mobilisation est un signal envoyé au tribunal de Nice : « La mobilisation est très large. Plus de 400 organisations signataires du manifeste contre le délit de solidarité. Je pense que, quelle que soit la décision du tribunal de Nice demain, le mouvement ne s’arrêtera pas et la solidarité va continuer de s’exprimer de plus en plus fort. »
Denis Lambert a été accusé d'« aide au séjour irrégulier » pour avoir hébergé une famille arménienne, avant d'être relaxé. Pour lui, le risque encouru par un citoyen français qui aide un migrant n'est rien à côté des dangers que fuient les réfugiés. « Les immigrés qui quittent les pays en guerre ont des raisons suffisantes, c'est leur vie qui est en danger. Eux risquent quelque chose. Donc, ici, en France nous devons les aider », estime-t-il.
« Il n'y a pas d'étrangers sur cette terre » peut-on lire sur les pancartes. Ou encore : « Nous voulons que la France redevienne un pays d'accueil. »
→ A (re) lire : Le «délit de solidarité» existe-t-il encore?