Ce mercredi 4 janvier, Cédric Herrou comparaît devant le tribunal de Nice pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière » en France. De nombreuses associations de défense des droits de l’homme ont promis de venir soutenir celui qu’elles estiment « coupable d’avoir voulu aider ».
Refus de fermer les yeux
Depuis l’été 2015, le village de Cédric Herrou, situé dans la vallée de la Roya, tout près de la frontière italienne, dans les hauteurs, voit défiler des centaines de migrants épuisés par des mois de marche. Plus au sud, la France a fermé sa frontière avec l’Italie et les clandestins empruntent donc de petits sentiers montagnards, parfois en tongs. L’agriculteur décide d’offrir le gîte et le couvert à des dizaines d’entre eux.
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Révolté par les conditions d’accueil européennes, l’homme de 37 ans va même plus loin. « Ce que j’ai fait, sans savoir si c’était une bonne ou une mauvaise idée, c’est d’aller chercher des gamins et des familles en difficulté directement à Vintimille [de l’autre côté de la frontière italienne, ndlr] pour les aider à passer la frontière ». Selon l’association « Roya citoyenne », certains jeunes clandestins sont morts en tentant de franchir la frontière par la montagne. Cédric Herrou avoue qu’il « ne pouvait plus fermer les yeux » face à cette situation.
« Délit de solidarité »
Dans le village de Breil-sur-Roya, l’initiative de Cédric Herrou est suivie par de nombreux habitants et une association citoyenne se créée pour venir en aide aux migrants : « Roya citoyenne ». Seulement, aux yeux de la justice, l’agriculteur a aidé à « l’entrée, à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière ». Il encourt pour cela jusqu’à 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Plusieurs associations considèrent cette comparution devant le tribunal comme un « délit de solidarité ». Selon elles, il est anormal qu’une personne qui souhaite faire preuve de générosité et aider son prochain se retrouve menacée de prison. Le représentant local de la Ligue des droits de l’homme évoque même une volonté de « dissuader les gens d’aider ».
Décision de justice
En France, depuis 1945, une loi permet de poursuivre « toute personne qui aura - par aide directe ou indirecte - facilité l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France ». Mais le texte a récemment été amendé face aux contestations des défenseurs des droits de l'homme. En 2011, Nicolas Sarkozy introduit une exception si l'acte reproché est « nécessaire à la sauvegarde de la vie de l'étranger », autrement dit si l'aide intervient alors que le clandestin est en danger de mort.
En 2012, Manuel Valls va plus loin : désormais une personne ne peut plus être poursuivie pour toute aide apportée « sans contrepartie et visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique d'un étranger ».
Le tribunal de Nice devra donc apprécier si Cédric Herrou a agi dans le cadre de ces amendements. Il y a quelques mois, Fernand Bosson, un ancien élu, avait été reconnu coupable d’aide à des personnes en situation irrégulière. Mais il avait été dispensé de peine.