Avec notre envoyé spécial à Bastia, Raphaël Reynes
« Ne m’interrompez pas », s’impatiente la présidente du tribunal contre l’unique prévenu de ce procès à comparaitre détenu. Agacement de la cour contre Mustapha Benhaddou qui tente depuis quatre heures de se justifier. En détention provisoire, il est assis seul sur le banc des prévenus, côté marocain. Ses deux frères ont quitté la Corse et choisi - comme ils en ont le droit - de ne pas se présenter à leur procès.
Et si la magistrate s’impatiente, c’est parce qu’elle sent que l’audience tourne à la confrontation de deux versions diamétralement opposées des faits. Chacun se renvoie la responsabilité de la bagarre du 13 août dernier et minimise sa propre participation. « Nous allons examiner les comportements individuels » avait annoncé la présidente à l’ouverture de l’audience, ajoutant que le tribunal se pencherait aussi sur le phénomène de violence de foule. Dans la salle, l’ambiance devient parfois électrique entre les avocats des deux camps.
« Il y a eu beaucoup de fantasmes »
Pendant un peu moins d’une heure, le procureur de Bastia s’est adressé moins au tribunal qu’à la population corse et plus généralement française. « Dans le contexte que nous connaissons, avec les attentats qui nous touchent, on a tendance à perdre son sang-froid plus facilement », déclare Nicolas Bessone.
Et le procureur ajoute : « Il y a eu beaucoup de fantasmes dans cette affaire. Il faut sortir de l’hystérie collective du burkini. Il n’y en a jamais eu, à Sisco ».
Aux Corses, le magistrat adresse une leçon qu’il veut « pédagogique », dit-il. « L’autre est un homme. L’autre est comme moi. L’autre a des enfants et il les aime aussi », déclare le procureur.
Un réquisitoire au langage fleuri destiné à désamorcer des tensions qui persistent, un mois après les faits. A propos de l’unique prévenu contre lequel il requiert de la prison ferme, le procureur souligne : « on a fait dire Allahu Akbar à Mustapha Benaddhou. Ce n’est pas vraiment son vocabulaire. Lui, c’est plutôt nique ta mère ». Pour la première fois de la journée, la salle a ri.
A l’extérieur, plusieurs centaines de personnes venues soutenir les deux habitants de Sisco, également poursuivis, se sont dispersées sous un violent orage.
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