L’idée de la Fondation des œuvres de l’islam de France (FOIF) a vu le jour il y a plus de dix ans, en 2005. Impulsée par le Premier ministre de l'époque Dominique de Villepin, cette nouvelle structure devait permettre de mieux contrôler les financements extérieurs de l’islam de France, notamment les transferts venant du Maroc, d’Algérie, ou encore de Turquie. Mais à l’époque, les rivalités entre les différentes fédérations musulmanes condamnent le projet à l’inexistence.
Onze années plus tard, après les attentats meurtriers que la France a connus, le Premier ministre Manuel Valls estimait dans Le Journal du Dimanche du 31 juillet 2016, « qu’il y a urgence à aider l’islam de France à se débarrasser de ceux qui le minent de l’intérieur. Pour cela, il faut donner à la fondation une place centrale ».
La Fondation des œuvres de l’islam de France revient donc sur le devant la scène, avec un but principal : mieux intégrer l’islam dans la société française. Pour y parvenir, l’action de cette fondation se diviserait en deux axes principaux. D’abord, un volet économique, en assurant une totale transparence des financements de l’islam de France, et en supervisant la levée des fonds. Ensuite un volet culturel, en faisant fructifier le dialogue entre la République et l’islam.
Ancien ministre de l’Education nationale, de la Défense, mais également de l’Intérieur sous quatre gouvernements de gauche, Jean-Pierre Chevènement a indéniablement une grande expérience des institutions de la République. Ce parcours a d'ailleurs plu au président de la République François Hollande ainsi qu’au cabinet de l’actuel ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Les défenseurs de Jean-Pierre Chevènement insistent sur son attachement « exigeant » à la laïcité. Retiré depuis plusieurs années des querelles politiques, la modération idéologique de l’ancien ministre semble également être un argument de poids.
Une nomination qui ne fait pas consensus
Pourtant, certains responsables politiques estiment Jean-Pierre Chevènement peu expert en matière d’islam. Brice Hortefeux, proche de Nicolas Sarkozy, ironisait sur RTL : « C’est comme si, pour la présidence de la conférence des évêques de France, on faisait appel à un bouddhiste ». Au sein même de la majorité, la ministre des Familles, Laurence Rossignol, décrit sur France Info un profil bien différent de celui de Jean-Pierre Chevènement lorsqu’elle imagine le président idéal de la Fondation : « Le bon profil, selon moi, c’est d’abord quelqu’un de culture musulmane qui ait une connaissance de la subtilité humaine de l’islam, quelqu’un de laïc, et peut-être, le meilleur profil, ce serait une femme ».
Le débat s’anime donc surtout autour de la culture d’origine que devrait avoir le futur président de la Fondation. Le principal intéressé répond dans Le Parisien ce 15 août 2016 : « Cette mission est tellement d’intérêt public qu’aucun responsable ne peut s’y dérober ». Jean-Pierre Chevènement laisse toutefois planer un doute : « Je ne m’y déroberai donc pas, sauf si ma nomination devait entrainer des problèmes insolubles qui me forceraient à me retirer ». Avant d’être nommé président, il faudra donc que l’ancien ministre de l’Intérieur parvienne à convaincre politiques et hauts responsables de sa réelle connaissance de la civilisation musulmane.
Les missions du président de la Fondation des œuvres pour l’islam de France seront assez larges, mais n’empièteront en aucun cas sur le côté religieux et théologique de l’islam. Son principal rôle sera celui de concilier. En étant en dehors de la communauté, il devra rassembler les différentes fédérations musulmanes de France et tenter d’instaurer un dialogue. L’échec de la Fondation en 2005 pour ces mêmes raisons devrait en effet amener l’organisme à plus d’échanges.
Transparence totale des financements
Les financements pour l’islam de France devront aussi transiter sous l'autorité du président en totale transparence. Ces fonds pourront ensuite être alloués à la construction d’une mosquée par exemple, ou encore à la formation des jeunes imams. Mais la Fondation ne donnera jamais d’argent. Depuis 1905 et la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat, la France ne subventionne directement aucun culte. Une association cultuelle, indépendante et adossée à la Fondation remplira ce rôle.
Jean-Pierre Chevènement, s’il était nommé président de la Fondation, a déjà livré les grandes lignes de son programme. Parmi les principales mesures qu’il envisage, l’ancien ministre socialiste souhaite améliorer les échanges entre communautés et la formation des imams : « Il faut leur enseigner ce qu’est la citoyenneté française, le cas échéant la langue française, les principes généraux du droit, en tout cas ceux régissant les rapports entre le culte musulman et les pouvoirs publics », estime-t-il.
Autre grand chantier, la transparence totale des financements. « Des courants salafistes se développent partout dans le monde y compris en France mettant à leur merci certains jeunes à l’esprit fragile. (Il faut que) les financements étrangers soient prohibés afin que tout se passe dans la plus grande transparence et que l’islam de France dépende d’un argent collecté en France », explique enfin Jean-Pierre Chevènement.
Le nom du futur président de la Fondation des œuvres de l’islam de France devrait être connu en septembre prochain. La structure pourrait disposer d’un budget annuel de 5 à 6 millions d’euros, alimenté par des fonds publics et privés.