Attentat de Nice: des failles dans le dispositif de sécurité?

La polémique enfle sur la Promenade des Anglais. Le compte n'y était pas concernant le nombre de policiers présents, clament les témoins comme les élus locaux. Ce dont l'Etat se défend. Des doutes dont le journal Le Canard enchaîné s'est fait l'écho ce mercredi, ainsi que le journal Libération ce jeudi, pointant des failles dans la sécurité apportée autour des 30 000 spectateurs présents à Nice le soir du 14 juillet. Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur a annoncé jeudi qu'il allait demander à la «police des polices» une évaluation technique du dispositif.

Avec notre envoyé spécial à Nice, Stéphane Burgatt

Les témoins du drame ont été les premiers à demander des comptes. Cette Promenade des Anglais était-elle suffisamment sécurisée ? Chris Ojole n'en a pas eu l'impression : « Moi personnellement je n'ai vu que deux policiers là-bas, deux ou trois personnes c'est tout, ça ne suffit pas, je ne comprends pas ».

Un manque de moyens humains flagrant et une désorganisation totale ce soir-là, déplorent certains Niçois comme Nadège Dury : « Il y avait vraiment un laxisme total, quelques policiers qui dégainaient et tournaient, ils ne savaient même pas où aller ».

Mais là où la polémique prend un autre tour, c'est quand l'adjoint Les Républicains à la sécurité à la ville de Nice, Christian Estrosi, martèle que le nombre de policiers promis par le ministère de l'Intérieur n'a pas été respecté : « L'Etat avait dit qu'il mettrait les mêmes moyens que pour l'Euro et le carnaval, ils m'ont garanti qu'ils y seraient. Et force est de constater que tel n'a pas été le cas. Il y a des questions auxquelles il faudra que le gouvernement apporte des réponses et l'enquête démontrera que ces moyens n'ont pas été mis en œuvre ».

La préfecture des Alpes-Maritimes dément. Oui, les effectifs promis étaient présents, lit-on dans leur communiqué, avec 64 policiers nationaux et 20 militaires de l'opération Sentinelle en plus des 42 policiers municipaux déjà sur place, comme cela avait été décidé lors de trois réunions locales de préparation.

Ce jeudi, le journal Libérationparle de mensonges. Selon son enquête, seule une voiture de la police municipale barrait l'entrée de la zone piétonne, où est arrivé le camion utilisé pour l'attentat. Aucune trace de la police nationale à l'entrée de la Promenade des Anglais au moment des faits, ceux-ci ayant été «relevés aux alentours de 20 h 30 par leurs collègues municipaux». La police nationale, positionnée plus loin, devant l'hôtel Westminster, commencera à entraver la course folle du camion quelques secondes après le franchissement du premier barrage. Le ministre de l'Intérieur a du coup, «décidé de saisir l'inspection générale de la police nationale d'une évaluation technique du dispositif de sécurité et d'ordre public tel qu'il a été conçu puis mis en oeuvre à Nice dans la soirée du 14 juillet et dans la nuit qui a suivi», et a ajouté que cette enquête administrative s'inscrivait «dans une démarche de transparence et de vérité due aux victimes et à leurs familles».


La Promenade des Anglais en principe interdite aux poids lourds

Depuis 2014, aucun véhicule de plus de 3 tonnes et demi n’a le droit de circuler non seulement sur ce boulevard qui longe le littoral, mais aussi sur tout le territoire de la ville de Nice. Il existe toutefois des dérogations. Elles concernent par exemple les camions de déménagement et de livraison, explique Patrick Mortigliengo, président de la Fédération nationale des transports routiers des Alpes-Maritimes.

« La promenade des Anglais est très touristique, elle est bordée par de nombreux restaurants, glaciers et bars. Des dérogations sont faites pour les petits camions qui vont livrer la boisson, les produits frais, la viande, les glaces... Ce sont des véhicules de  sociétés grossistes en produits alimentaires. Ces véhicules-là vont livrer tous les jours surtout l'été, c'est le matin, et non pas après ou pendant le feu d'artifice ».

Aussi bien ces petits véhicules de livraison que les gros camions de déménagement ont besoins d’une autorisation de la mairie.

« Il faut donner l'immatriculation du camion, le poids du camion, le nom du chauffeur, ce que vous transportez, où vous chargez et où vous déchargez, et il faut des raisons valables ».

Pour le président de la Fédération nationale des transports routiers des Alpes Maritimes, la conclusion est donc sans appel : le camion tueur n’aurait jamais dû pouvoir s’approcher de la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet.
RFI

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