Avec notre envoyé spécial à Nice, Sébastien Németh
Depuis jeudi 14 juillet, jour de l’attentat, des milliers de personnes venaient chaque jour déposer fleurs, bougies, jouets, messages le long de la route.Vu la force du symbole, la ville n'osait pas y toucher, mais suite à l'appel du collectif local, des centaines de personnes sont venues bénévolement pour déplacer les objets. Cédric était de ceux-là : « Moi, j’étais ici quand le camion est arrivé 10 mètres plus loin. Ça aurait pu être moi. On met des bougies en espérant qu'en haut, ils les voient. Le deuil est en train de vraiment se faire en faisant ce qu’on fait là ce soir. »
Les volontaires ont posé les peluches, poupées et messages dans le square Albert 1er, autour du kiosque à musique. Les fleurs ont été alignées sur la partie sud de la promenade des Anglais. Nicolas y a déposé plusieurs bouquets de roses, face à la mer : « On avait tout le sentiment d’être devant un hommage aux victimes d’un naufrage. Voilà, c’est peut-être un symbole aussi : c’est le naufrage d’une certaine humanité. »
Une initiative parfois difficile tant la charge émotionnelle est forte, comme l'explique Mylène, accroupie devant des bougies : « Nice, c’est un grand village. Tout le monde se connaît. J’ai l’impression d’aller à l’enterrement de ma famille. C’est normal qu’on soit avec tout le monde. Nice, c’est une belle ville [mais] notre promenade est devenue un cimetière. »
Le lieu où le terroriste a été tué, lui, s'était transformé en mémorial lugubre où les passants jetaient des pierres et des détritus. Il a été nettoyé pendant la nuit.
Un lieu de soutien psychologique
En outre, depuislundi soir, un autre lieu de recueillement a été mis à disposition des familles dans le centre de Nice. Les corps n'y sont pas, mais les proches des disparus peuvent s'y rendre au moins jusqu'à vendredi prochain pour se recueillir devant 84 bougies et des fleurs. Ils sont accueillis par des bénévoles, des psychologues ou encore des représentants de différentes religions afin de pouvoir parler, se confier.
Otmane Aissaoui est l'imam de la grande mosquée ar-Rahma (La Miséricorde) de Nice et président de l'Union des musulmans des Alpes-Maritimes. Il était présent lundi 18 juillet à l'ouverture du site : « La responsabilité est partagée. Il faut que les élus et les politiciens se mettent autour d’une table », commente l'imam. « Il faut remédier au problème dont la société souffre elle-même. Il n’y a pas que les musulmans mais aussi des problèmes de travail, de vivre pleinement sa foi, sociologiques et de recherche d’identité. Tout cela fragilise peut-être certains qui n’ont pas eu assez d’éducation ou de formation. » Otmane Aissaoui estime que « les gens qui se sont radicalisés, pour ceux qui sont partis en Syrie, ne sont pas partis de nos mosquées ».
Il met la faute sur les « caves » dans lesquelles se perdent des jeunes avec « internet, Facebook, Google et les montages vidéos. » Selon lui, il y a des raisons bien plus profondes qui expliquent pourquoi ces jeunes « pètent les plombs ». « ll faut combattre ces racines du mal », conclue-t-il.
→ A (RE)ECOUTER : Attentat de Nice: éditions spéciales au lendemain de l'attaque