Attentat de Nice: la promenade des Anglais entre recueillements et crachats

Une minute de silence a été observée ce lundi 18 juillet, organisée à la mi-journée ce lundi 18 juillet dans toute la France, en hommage aux 84 personnes - dont dix enfants - tuées lors de l’attentat de Nice, jeudi 14 juillet, ainsi qu'aux plus de 300 blessés. Alors que des passants remplissent encore de fleurs et de messages de soutien les lieux, d’autres, décomplexés par la colère, se défoulent à l'endroit où le terroriste a été abattu, en crachant et en jetant des pierres.

A Nice, le symbole est fort, rapporte notre envoyé spécial à Nice, Raphaël Reynes. La cérémonie s'est tenue au pied du monument du Centenaire sur la promenade des Anglais. Une statue qui représente la victoire, et rappelle le rattachement de Nice à la France en 1793. En grec, on dit « Niké », une allusion au nom mythique de cette ville, qui s’était donnée à la France quatre ans après le début de la Révolution.

Les yeux du pays tout entier, et probablement d’une partie du monde, se sont à nouveau tournés sur Nice et ce monument, lorsque le glas a sonné à toutes les églises de France pendant cette minute de silence. Plusieurs dizaines de milliers de personnes, Niçois et touristes, sont venues sur la promenade ce lundi, dont des officiels au milieu d'une population meurtrie par le terrible attentat de jeudi soir.

Elus, secouristes, pompiers, gendarmes ; tout ce monde était là, dos à la mer face au Monument du Centenaire. En amont, des mesures de sécurité exceptionnelles avaient été mises en place pour l’occasion. L’avenue qui longe la mer a été de nouveau fermée sur plusieurs kilomètres, avant d'être rouverte totalement à la circulation après la cérémonie, ce qui n’avait pas été le cas depuis jeudi.dos à la mer.

Sur place à Nice, une colère rare est perceptible. Elle s'est manifestée pendant l'hommage à l’encontre du chef du gouvernement Manuel Valls, lorsqu’il est arrivé sur la promenade des Anglais, sifflé par des centaines de personnes présentes. Des appels à la démission ont fusé, dans ce bastion de la droite. Pour rappel, une polémique vive a été lancée juste après le drame, entre l’opposition et le gouvernement, au sujet des moyens affectés à la sécurité de ce 14-Juillet à Nice.

Christophe a été choqué par ces comportements, qu'il qualifie par deux mots : « irrespectueux », et « scandaleux ». « Ces sifflets après les morts à un moment pareil… ce n’est pas le moment de faire les bilans. Il y aura sûrement des bilans à faire, mais je peux vous dire que là, je le vis très mal. Parce que là, on touche à la République. Et justement, c’est ce qu’ils attendent ces gens-là (les terroristes, NDLR). C’est contre l’unité nationale. Et on a besoin d’unité nationale à tous niveaux. Que ce soit de droite ou de gauche. Et ça, c’est scandaleux. »

Les gens ont fini par se calmer et le silence complet a été respecté. Ensuite, la foule a entonné La Marseillaise, après avoir longuement applaudi en hommage aux victimes. Juste avant, un coup de canon avait retenti pour marquer le début de la minute de silence. Les Niçois sont venus en petits groupes, en famille ou seuls, beaucoup avec une rose blanche à la main. Juste avant la minute de silence, on discutait à nouveau les faits. De nombreuses larmes ont coulé par la suite.

« C’est une communion entre nous tous, et puis énormément d’émotion. On se demande si on réalise. Je crois qu’on n’arrive pas à réaliser des choses pareilles. Ça fait du bien d’être tous ensemble au moins, à un moment de communion ensemble, au moment où on est tous fraternels. Je crois que la fraternité c’est importante », nous a confié Josie.

Les crachats de la haine

En fait, la cérémonie a commencé bien avant midi. En amont de la minute de silence, les sites mémoriels continuaient encore de se fleurir sur la célèbre avenue, rapporte notre second envoyé spécial sur place à Nice, Sébastien Nemeth. Des personnes venaient se recueillir le long du trajet du camion tueur et laissaient des fleurs, des messages d'hommage, des peluches, des jouets d'enfants.

Mais parmi tous ces lieux mémoriels, un en particulier n'est pas du tout comme les autres. En face du palais de la Méditerranée, les passants se défoulent ces dernières heures sur le lieu où le terroriste a été abattu. Les passants jettent des pierres, crachent, profèrent des insultes sans retenue à l'endroit où le camion a arrêté sa course macabre.

« C'est un acte de rejet du terrorisme. En faisant ça, j'ai ressenti de la peur, du chagrin, mais aussi de la force parce qu'on peut vaincre le terrorisme », explique un passant colombien qui s'est prêté à l'exercice. Un homme s'approche, il lit un discours devant le tas de pierres, et déclare l'indépendance de la France vis-à-vis du terrorisme. Avant de partir sous les applaudissements de l'assistance.

L'ambiance fut donc solennelle, mais aussi tendue. Ceux qui parlaient trop fort se faisaient rabrouer. La politique s’est même de nouveau invitée à la fin de la cérémonie. Manuel Valls a encore été sifflé en repartant, et des gens ont failli en venir aux mains ! Même entre pro et anti-sifflets ! Les secouristes, par contre, ont été applaudis comme des héros lorsqu’ils ont quitté les lieux.


Trois deuils nationaux sous le quinquennat de François Hollande

En moins d'un siècle, le deuil national n’aura été décrété que huit fois. La mesure est aussi exceptionnelle que symbolique : drapeaux en berne ; minute de silence et fermeture des administrations. Cependant, les modalités du deuil de la nation ne sont pas établies par un texte de loi.

Sous la Ve République, il semblait auparavant réservé aux décès des présidents, comme ce fut le cas pour le général De Gaulle en 1970, puis Georges Pompidou et enfin François Mitterrand, il y a 20 ans. En 2001, l'Union européenne avait aussi été en deuil pour rendre hommage aux victimes du 11-Septembre.

Depuis lors, le deuil national a été décrété trois fois en France, et toujours pour des victimes d'attentats : celles de l’attaque contre Charlie Hebdo en janvier 2015, et celles des attentats de Paris et Saint-Denis.

Partager :