Nice: «un attentat de type nouveau»

A la sortie d’une réunion à l’Elysée ce samedi 16 juillet, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a évoqué « un attentat de type nouveau » qui « montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste », deux jours après l’attaque de Nice qui a fait 84 morts.

Deux jours après la tuerie de Nice, l’organisation Etat islamique a revendiqué l’attaque au camion qui a fait 84 morts, dont dix enfants, jeudi 14 juillet. La revendication, émise via l'agence Nawaq, présente Mohamed Lahouaiej-Bouhlel comme un « soldat de l’Etat islamique » qui a agi « en réponse aux appels lancés pour prendre pour cibles les ressortissants des pays de la coalition qui combat l’EI ». Ce Tunisien de 31 ans semblait jusqu’alors avoir davantage un profil de déséquilibré. Inconnu des services de renseignements, il n’avait pas de liens avérés avec l’islamisme radical.

Un profil et un mode opératoire inédits

« Nous sommes face à un attentat de type nouveau », a déclaré Bernard Cazeneuve trois heures plus tard, à la sortie d’une réunion au palais de l’Elysée. Nouveau, d’abord par le profil de son auteur. « Il semble qu’il se soit radicalisé très rapidement, a indiqué le ministre de l’Intérieur. En tout cas, ce sont les premiers éléments qui apparaissent à travers les témoignages de son entourage. » Cinq personnes, dont l’épouse de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, étaient toujours en garde à vue ce samedi. Une source policière, citée par l’Agence France-Presse, a affirmé que certaines auditions faisaient en effet état d’un « basculement récent vers l’islam radical ».

L’attentat de Nice est également nouveau de par son mode opératoire. Contrairement aux attentats du 11-Janvier et du 13-Novembre, aucune arme lourde et aucun explosif n’ont été utilisés cette fois. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était seulement équipé d’une arme de poing. L’emploi d’un camion pour foncer dans la foule – une technique conseillée par la propagande jihadiste, mais inédite jusque-là en France – inquiète particulièrement Bernard Cazeneuve, à cause de son extrême simplicité et de sa redoutable efficacité. « [Elle] nous montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste », a déclaré le ministre de l’Intérieur.

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait de toute évidence prémédité son acte. Le camion frigorifique de 19 tonnes, qu’il avait loué le 11 juillet, aurait dû être restitué le 13 juillet. Au lieu de cela, l’homme l’avait stationné dans un quartier de la ville pour le récupérer deux heures avant l’attaque. Son intention de faire un maximum de victimes ne fait également guère de doutes.

Une personnalité intrigante

Mais la présence d’armes factices à bord du camion intrigue les enquêteurs. De même que la personnalité du tueur. L’entourage de ce chauffeur-livreur arrivé en France en 2005 décrivait jusque-là un homme « taciturne » et « violent », amateur de salsa et de femmes, qui avait entamé le ramadan sans le terminer et qui ne fréquentait pas la mosquée du quartier. Lors d’une déclaration à la presse jeudi, le procureur de Paris François Molins a indiqué que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’avait jamais fait l’objet d’une fiche S et qu’il n’était connu des services de police que pour des faits de violence, qui lui avaient valu une condamnation à six mois de prison avec sursis en mars dernier. Père de famille en instance de divorce, l’homme avait, selon son père, fait une dépression au début des années 2000.

Les premiers éléments de l’enquête montrent qu’il était en relation avec des personnes elles-mêmes en contact avec des islamismes radicaux. Selon des informations du Monde, le nom d’Oumar Diaby figure ainsi parmi ces relations communes. Se faisant appeler Omar Omsen, cet ancien délinquant franco-sénégalais devenu l’un des principaux recruteurs français pour le jihad avait rejoint la Syrie en 2013 pour combattre dans les rangs du Front al-Nosra.

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a-t-il alors agi sur ordre ou son attaque a-t-elle été revendiquée par opportunité ? L’organisation Etat islamique n’est « pas forcément commanditaire » des attentats qu’elle revendique, mais elle ne s’est jusqu’ici jamais attribué des attaques de façon « opportuniste », rappelle David Thomson, journaliste à RFI. La revendication qui mentionne à la fois un « soldat » du groupe EI qui a agi « en réponse aux appels » de l’organisation terroriste ne permet pas de savoir si elle a commandité l’attaque ou si elle l’a seulement inspirée avec sa propagande. L’analyse du matériel téléphonique et informatique retrouvé à bord du camion et au domicile de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel devrait permettre d’en savoir plus sur ses motivations.

Avec AFP

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