Avec nos correspondants de Nice, Simon Rozé et Raphaël Reynes
Jusque vendredi tard dans la soirée, la population niçoise est venue se recueillir sur la promenade des Anglais. Mais samedi au petit matin, peu de personnes avaient réinvesti le fameux littoral. Pas de coureurs ni de baigneurs matinaux. Ce n’est clairement pas ce à quoi l'on pourrait s’attendre pour un samedi de juillet.
Les policiers sont encore nombreux. La circulation a seulement été rétablie sur la voie qui longe la mer. L’autre côté de la route, celui où le camion a été arrêté, est toujours bloqué à la circulation. A une centaine de mètres, il y a toujours un autel improvisé, où des centaines, des milliers de Niçois et de touristes sont venus spontanément se recueillir et déposer des fleurs toute la journée de vendredi.
La ville a rendu plusieurs hommages aux victimes. Les drapeaux sont en berne. En plus de l'autel improvisé sur la promenade des Anglais, deux cérémonies ont eu lieu dans des cathédrales, notamment à Sainte-Réparate dans le vieux Nice.
La cathédrale était pleine à craquer de Niçois, qui voulaient tout simplement se retrouver ensemble. Des personnes qui ont échappé à la mort, et qui souhaitaient rendre hommage à ceux qui ont eu moins de chance qu’elles.
Des enjeux de sécurité encore présents
Ce samedi, les Niçois n'ont pas le cœur à la fête, notamment pour des raisons de sécurité, au cœur des débats politiques au lendemain de l'attentat. Les habitants de la ville, l'une des plus cosmopolites et métissées de France, n’ont pas encore l’air prêts à embrasser la polémique sécuritaire.
Nice reste pourtant une ville de droite, qui vote même très à droite, et où les critiques contre le gouvernement ont tendance à prendre aisément. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, sur place, Marine Le Pen était arrivée deuxième, devant François Hollande.
Alors, quand un homme tue plus de 80 personnes dans un acte que revendique Daech dès le lendemain, et que du chef de l’Etat à l’opposition, l’ensemble de la classe politique désigne l’islamisme radical du doigt, la parole se libère. Christophe, patron d’un café dans la vieille ville, rêve d'un électrochoc généralisé.
« Ça ne bouge pas, dit-il, il n’y a rien qui bouge ! Il faudrait que les chrétiens français et les vrais musulmans français bougent tous dans les rues, et se réveillent contre les faux musulmans, comme on dit. Voilà, tous ces barbares et tout le reste. Faudrait (...) qu’on fasse un peu peur à tous ces gens-là, parce que là, ce sont eux qui font peur à tout le monde. »
« Je pense que si les vrais musulmans, ils ne bougent pas, ça veut dire qu’ils sont d’accord avec eux, estime-t-il. Donc, il faudrait peut-être qu’ils se bougent pour prouver qu’ils ne sont pas d’accord avec eux, qu’ils arrêtent de rigoler et que les Français se mettent main dans la main avec eux et qu’on se bouge un petit peu tous ensemble. »
Peut-on éviter les attentats ? La droite se lance
A Nice, au deuil se mélange une certaine colère, et surtout un sentiment d’impuissance. L’impuissance d’une population qui semble douter de la capacité de ses dirigeants politiques à apporter des solutions. L’ancien maire et actuel président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a publié une longue lettre dans les colonnes du journal local, Nice-Matin, ce samedi.
Christian Estrosi exprime lui aussi sa tristesse et sa colère. Mais il demande des comptes à l’Etat : « Je veux savoir pourquoi, alors que j’ai demandé il y a quinze jours à la préfecture de rehausser le niveau de sécurité des prom parties, il m’a été répondu qu’on n’y voyait pas la nécessité en l’absence d’alerte particulière. »
Le député républicain Henri Guaino propose, lui, un moyen sogrenu pour éviter le drame : un soldat avec un lance-roquette à l’entrée de la promenade des Anglais. En fait, à tord ou à raison, dès le lendemain des faits, l'ensemble de la droite française, locale et nationale, a soulevé la polémique sécuritaire.
En attendant, plusieurs festivals ont donc été annulés dans la région, par respect et par signe de deuil. Le Nice Jazz Festival, un grand festival de musique qui devait débuter samedi, a été annulé alors que tout était prêt. Toujours en place, la scène avait même déjà été installée. A Marseille, les autorités ont renoncé à tirer le feu d’artifice vendredi soir.