Loi Travail: Valls contre les frondeurs, le bras de fer avant la primaire du PS

Pour la deuxième fois, Manuel Valls a engagé ce mardi 5 juillet la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter le projet de loi Travail à l’Assemblée nationale. Face à l'opposition d'une partie de son camp, le Premier ministre n'a rien cédé.

Jusqu'au bout, Manuel Valls a voulu afficher sa fermeté. Pour la deuxième fois, mardi à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a dégainé l'arme du 49-3. Sa majorité est morcelée, mais l'essentiel est de creuser encore un peu plus le sillon entre une gauche réformiste et une autre qu'il juge conservatrice. La rupture est de toute façon déjà actée, estime le député socialiste Christophe Caresche : « Elle était déjà entérinée avant même le texte sur la loi Travail. Il faut donc à un moment en tirer les conclusions », avance-t-il.

Les frondeurs, non plus, ne veulent rien lâcher. Ils vont tenter de réunir 58 députés pour déposer une nouvelle motion de censure, même si la menace d'une exclusion du parti plane dans l'air. « Il y a un moment où la question de la démission du Premier ministre se pose, affirme Yann Galut. Je crois qu’il a une lourde part de responsabilité dans la situation actuelle et il faut le dire : le Premier ministre en paiera les conséquences. » Le député du Cher parle d'une gauche « divisée », « fragmentée », et insiste : « Le Premier ministre n’a plus de majorité au sein de l’Assemblée nationale. »

« Il y avait la possibilité d'un compromis avec l'ensemble du groupe socialiste, renchérit Christian Paul, autre « frondeur ». Il y avait un amendement qui sécurisait le pouvoir d'achat des heures supplémentaires, et qui était de nature à permettre une sortie par le haut de la crise provoquée pendant de longs mois par la loi Travail. Ce que révèle cette journée, c'est l'incapacité du Premier ministre à accepter l'idée même d'un compromis, à écouter avec respect des arguments portés par des gens qui ne pensent pas comme lui. Aujourd'hui, vraiment, c'est son aptitude à gouverner qui est questionnée. »

La gauche se déchire, la droite se régale et tout le monde pense à 2017

Tandis qu'à gauche, chaque camp accuse l'autre d'être responsable du blocage actuel au Parlement et dans la rue, à l'Assemblée nationale, la droite savoure. Face à la division de la majorité, elle n'a même plus besoin de faire son travail d'opposition. Le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, a déjà annoncé que son groupe ne déposerait pas de motion de censure contre le gouvernement ce mercredi. « Si la majorité n’est pas capable d’assumer une politique, comment voulez-vous que nous l’assumions à sa place ? », demande le député Daniel Fasquelle. 

« Ce texte ne mérite pas une mobilisation, tellement il est vidé de sa substance, attaque son collègue Eric Ciotti. Il n'y aura pas de motion de censure. Nous avons voté contre ce texte, nous continuerons en dernière lecture à nous opposer à ce texte. Pour nous, le texte qui prévaut, c'est celui qu'a approuvé le Sénat, qui est un texte qui redonne de la compétitivité aux entreprises. Le reste, c'est un débat politicien, médiocre, stérile, dans la majorité, et nous laissons la majorité à ses querelles. Face à ce spectacle affligeant de la majorité, nous les laissons débattre entre eux, s'entre-déchirer entre eux, plutôt. »

Le chef du gouvernement, Manuel Valls, qui a affirmé sa volonté de « tenir » depuis le début du conflit sur le texte porté par sa ministre Myriam El Khomri, a été jusqu'au bout de sa logique de fermeté en décidant d'engager à nouveau la responsabilité du gouvernement et en mettant au défi les « frondeurs » de déposer une motion de censure. Ce qui se joue va donc au-delà de la loi Travail. D'un côté, Manuel Valls veut imposer coûte que coûte son autorité et sa ligne. De l'autre, ses détracteurs ne peuvent pas donner l'impression de céder sans se décrédibiliser.

En ligne de mire : le coup d'après, à savoir la primaire que souhaite organiser le PS en janvier prochain. De ce point de vue, le projet de loi El Khomri serait en quelque sorte le tour de chauffe pour 2017. « Toute une partie de députés socialistes ont déjà la primaire en tête et ont envie de régler des comptes avec François Hollande. On aurait repeint la loi en rouge, en vert ou avec des petits pois jaunes, de toute façon, ils sont dans la logique de la primaire et de la présidentielle », estime le député PS Philippe Doucet, qui pense que « siffler la fin de la récréation » était donc un choix « inévitable ».

→ À relire : Que reste-t-il de la loi El Khomri ?

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