Après quatre mois de mouvement social et au lendemain d’une onzième journée de mobilisation, le gouvernement lâche du lest. Il espère ainsi s’épargner un nouveau recours à l’article 49-3, comme il l’avait fait en première lecture. Manuel Valls et Myriam El Khomri ont reçu ce mercredi les partenaires sociaux, dont la CFDT, la CGT et FO, pour leur détailler les amendements qu’ils comptent apporter au projet de loi Travail.
Si ces modifications ne touchent pas à l’article 2, celui qui donne la primauté aux accords d’entreprise et qui cristallise la colère des syndicats, elles visent à « réaffirmer » le rôle de la branche. Dans une interview accordée au Monde, la ministre du Travail a évoqué la mise en place de négociations au sein de chaque branche entre employeurs et syndicats afin de « définir les thèmes sur lesquels un accord d’entreprise ne pourra pas déroger à l’accord de branche ». Ces négociations devront être entamées « avant le 31 décembre 2017 » dans chaque branche. Myriam El Khomri précise par ailleurs que les accords de branche pèseront toujours plus lourd que les accords d’entreprise en ce qui concerne l’égalité professionnelle et la pénibilité.
FO et la CGT toujours insatisfaits
A leur sortie de Matignon, les réactions des leaders syndicaux étaient mitigées. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, principal soutien syndical de la loi Travail, s’est dit « satisfait de voir que le cœur du texte ne soit pas touché ». Une satisfaction partagée par le président de la CFTC, Philippe Louis.
Le secrétaire général de Force ouvrière a quant à lui évoqué un « progrès », mais « pas suffisant pour une sortie par le haut ». Selon Jean-Claude Mailly, il reste un « point bloquant » : le fait « que les heures supplémentaires, le travail de nuit et le temps partiel continuent de relever de l’entreprise ». « On va essayer de faire bouger l’article 2 et si on n’y arrive pas, on continuera », a-t-il prévenu.
Pour Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, « les désaccords se confirment ». A ses yeux, les amendements présentés sont encore loin du compte et n’empêcheront pas le dumping social que va générer la loi. Philippe Martinez a donc maintenu la journée d’action prévue mardi 5 juillet.
Les députés frondeurs en veulent plus
A l’Assemblée, les députés frondeurs aussi en veulent plus. Leur chef de file, Christian Paul, estime ainsi qu’« un compromis est à portée de main », à condition que le gouvernement dise « clairement qu’un accord d’entreprise ne peut porter atteinte au pouvoir d’achat des salariés ». Pour le député de Paris Pascal Cherki, la question de la rémunération des heures supplémentaires, du travail de nuit et du temps partiel pose toujours problème. « S’il y a accord d’entreprise, ça ne peut pas être moins que la branche, ça doit être plus et mieux que la branche », affirme le député frondeur.
« Je pense que si on pouvait avancer sur la question des heures supplémentaires, c’est-à-dire garantir que la gauche ne va pas voter une loi Travail qui pourrait aboutir, via les accords d’entreprise, à des baisses de rémunération pour les salariés de notre pays, je considérerais que c’est une avancée importante et on pourrait reconsidérer l’issue de la discussion parlementaire », confirme le député PS d'Indre-et-Loire Laurent Baumel.
Mais ce mercredi soir, Manuel Valls a prévenu : « nous ne reviendrons pas » sur la « prééminence » de l'accord d'entreprise dans la loi Travail.
Sortir de l'impasse serait profitable à tout le monde. Aux frondeurs, qui sont désormais occupés à préparer une candidature au sein de la primaire annoncée par le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. A Manuel Valls, qui apporterait un démenti à ceux qui l'ont accusé de jusqu'au-boutisme stérile et montrerait qu'il tient compte d'une opinion majoritairement opposée à l'usage du 49-3.
Le Premier ministre se prépare quand même à toutes les options. la ministre du Travail Myriam El Khomri a été chargée de rappeler que « l'usage du 49-3 est prévu par la Constitution, [que] ce n'est donc pas un passage en force ». Au cas où, au dernier moment, le point de conciliation ne serait pas trouvé.