« Je suis persuadé qu’il y a encore des marges de négociations. Peut-être pas avec tous les syndicats, mais au moins avec certains », assure Karine Berger. Pour cette députée socialiste, il y a encore de la place pour négocier et sauver la loi Travail, avec ou sans la CGT. « Croyez-moi, beaucoup de gens au Parti socialiste essaient de trouver des voies de négociation et de dialogue », explique-t-elle.
L'article 2 sur les accords d'entreprises - l'un des points chauds de la loi - pourrait ainsi être modifié et rassurer les frondeurs PS. Des frondeurs qui ont d'ailleurs changé de ton, dépassés par la montée en puissance de la contestation. Après la confrontation directe, ils jouent désormais la carte de l'apaisement. « Je ne suis pas là pour jeter de l’huile sur le feu, assure le député socialiste Christian Paul. Je suis là pour appeler tout le monde à la responsabilité et qu’on se remette, d’une manière ou d’une autre, à discuter pour aboutir à ce compromis. »
Pour une partie de l'opposition, c'est déjà trop tard. Hervé Mariton, candidat à la primaire à droite, demande au gouvernement d'arrêter les frais et de retirer sa loi travail. « Tout ça pour ça, souffle le député Les Républicains. Un tel chahut dans le pays pour un texte qui n’est porté par aucune vision d’avenir pour le pays… le gouvernement aurait mieux fait de s’abstenir. »
D'autres, à droite, comme Benoist Apparu, pensent au contraire que le gouvernement doit tenir et ne pas reculer. Ni face à la CGT, ni face à la rue. Le bras de fer est loin d'être fini.
Avec notre envoyée spéciale au Havre, Alice Pozycki
Au Havre, dans le nord de la France, après les raffineries de Total et d’Exxon Mobile, la CIM, la Compagnie industrielle maritime, est elle aussi bloquée. Cet immense terminal pétrolier réceptionne 40 % du pétrole brut en France et approvisionne notamment les aéroports de Paris en carburant. Mais depuis mardi, le travail s’est arrêté, les salariés ont démarré leur piquet de grève.
Au volant de sa voiture, cet ancien employé de la raffinerie Total rejoint les grévistes du terminal pétrolier : « Là on va en cortège rentrer dans la CIM assister à l'assemblée générale et puis essayer aussi de démontrer qu'il y a un rapport de force qui s'installe ».
Casquette CGT sur la tête, ce retraité n’a jamais travaillé à la CIM, la compagnie industrielle maritime, mais il est là en soutien, à ceux qu’il appelle ses « camarades ».
« On est forcément soldiare du mouvement et on vient en appui chaque fois qu'on peut, sur les points de blocage, sur les assemblées générales, et autres ».
Sur place, au côté des salariés du terminal pétrolier, des grévistes des deux raffineries locales, des agents du port et des dockers sont là en renfort. « Merci à tous d'être là, moi ça fait 15 ans que je suis àla CIM, j'ai jamais vu autant de monde devant la barrière, et rien que pour ça, merci les copains ! » s'exclame un gréviste.
Habillé d’un blouson de cuir, cet opérateur gréviste estime qu’après deux mois de constestations, l’arrêt de l’activité du terminal est devenu une étape inévitable. « Puisque l'on a de l'autre côté un 49.3, malheureusement dans ce pays-là il n'y a pas de dialogue, donc c'est la force contre la force, c'est stupide je sais mais on a pas le choix, c'est un rapport de force ».
Ici comme dans les raffineries voisines, la grève est déjà prévue jusqu’à vendredi.
SNCF, RATP, Air France, raffineries : le point sur les mouvements de grève
Le conflit va encore s'amplifier ce mercredi et jeudi, avec une nouvelle grève à la SNCF, à l'appel de la CGT et de Sud, à la fois contre la loi Travail et pour peser sur les négociations en cours sur les conditions de travail. D'autres difficultés sur les rails sont déjà à prévoir la semaine prochaine, avec des appels à la grève de tous les syndicats représentatifs à la SNCF à partir du 31 mai, mais aussi à la RATP, où la CGT appelle à la grève illimitée à partir du 2 juin.
Le trafic aérien sera également perturbé jeudi, avec notamment 15% de vols annulés à Orly en raison d'un appel à la grève de la CGT, puis du 3 au 5 juin, à l'appel de tous les syndicats de l'aviation civile.
La priorité du gouvernement reste pour l'heure de débloquer les sites pétroliers, alors que le spectre d'une pénurie inquiète les automobilistes.
Six raffineries, sur les huit que compte le pays, sont à l'arrêt ou tournent au ralenti, particulièrement celles de Total. Les sites de Feyzin (Rhône) et Gonfreville-L'Orcher (Seine-Maritime) sont ainsi totalement à l'arrêt, tandis que celui de Grandpuits (Seine-et-Marne) est en cours d'arrêt total. « Quelques unités » ne fonctionnent plus à Donges (Loire-Atlantique) et La Mède (Bouches-du-Rhône) fonctionne toujours « en débit réduit ». Enfin, celle d'ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime) était mardi après-midi en passe de basculer dans la grève. Par ailleurs, plusieurs dépôts de carburants restaient en grève ou bloqués par des manifestants extérieurs.
L'intersyndicale (CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL) organise sa huitième journée de manifestation jeudi.